Des souris et des hommes
le mystérieux vieillard Merlin, autrefois poète, aujourd'hui
reclus dans sa maison emplie de harpes. L'enfant rêve d'aventures que son
aïeule lui confirme comme faisant partie de sa destinée, et il s'embarque sans
savoir que le capitaine se livre à la traite des esclaves. Il est vendu à la
Barbade d'où il s'en va, quelques années plus lard, à la conquête de Panama,
qu'on appelait alors « La Coupe d'Or ». Il n'a pas tardé à devenir le
chef des corsaires, mais il n'aura de paix qu'il n'ait conquis celle ville
fameuse non pour les richesses qui s'y trouvent, mais parce qu'une femme y habite,
« La Santa Roja », si belle que l'imagination se refuse à la
concevoir. Et, comme Jeoffroy Rudel, il entraîne ses flibustiers à la recherche
de sa Princesse Lointaine. Le siège est rude, et la Santa Roja n'est qu'une
femme comme les autres dont la capture n'est qu'une désillusion. Telle est,
dans ses grandes lignes, cette histoire riche en éléments romanesques. Fort
bien amenée par l'étrange atmosphère de la campagne galloise, elle s'alourdit
un peu à mesure que le récit s'allonge. Mais il y a de la couleur, des scènes
de cruauté traitées avec un réalisme vigoureux qui ne nuit pas au ton un peu
« conte de fées » d'où le roman tire son plus grand charme.
The Pastures of Heaven (1932) marque un progrès notable sur l'ouvrage précédent. « Las
Praderas del Cielo » est le nom d'une vallée voisine de Salinas. Chacun
des chapitres est consacré à une des familles qui y sont venues s'installer.
C'est donc, beaucoup plus qu'un roman, un recueil de nouvelles unies par un
lien très ténu. C'est ainsi qu'en 1919 Sherwood Anderson avait composé son Winesburg, Ohio , et, en 1927, Thornton Wilder, dans The Bridge of San Luis Rey , prend prétexte de l'écroulement d'un pont pour raconter l'histoire des
différentes personnes qui y trouvèrent la mort. Cette technique très souple
offre aux jeunes auteurs qui ne sont pas encore bien sûrs de leur métier, ou
aux autodidactes qui ne le seront jamais, le moyen d'éviter les écueils que
présente la composition d'un roman touffu.
Il n'y a pas de monotonie dans les
récits de The Pastures of Heaven . Les uns nous
montrent un Steinbeck friand d'horreur et de morbidité, comme l'histoire du
petit monstre Tularecito ou celle de Helen Van Deventer et de sa fille folle.
D'autres annoncent l'humoriste de Tortilla Flat . Ainsi, la
mésaventure de Shark Wicks, forcé d'avouer que sa fortune est imaginaire
lorsqu'il est condamné à payer une amende pour avoir voulu tuer Jimmy Munroe
coupable d'avoir embrassé sa fille. Le thème de la solitude revient souvent,
mêlé à la sensualité de la terre, à la poésie des fleurs et des arbres.
C'est avec To a God Unknown (1933) que Steinbeck se révèle le plus profondément poétique. Le titre
est emprunté à un poème des Védas où, à chaque strophe, revient le vers :
Quel est-il celui auquel il faut offrir nos sacrifices ? Pour Steinbeck,
ce dieu inconnu et puissant est le grand Pan. To a God Unknown est un hymne délirant à la nature. Joseph Wayne a quitté sa ferme du
Vermont pour s'installer dans la campagne californienne. Son mysticisme païen
le pousse à adorer la terre avec une sensualité que D. H. Lawrence
eût comprise. Comme l'héroïne de The Triendly Tree (premier roman du jeune poète anglais Cecil Day Lewis) il va confier
aux arbres ses soucis et ses espoirs. Il leur offre son fils en hommage, au
grand scandale de son frère puritain et, quand de longs mois de sécheresse ont
calciné la terre, il s'ouvre les veines au-dessus d'une source tarie, livrant
son corps en holocauste à cette campagne trop aimée sur laquelle un orage
s'abat tandis que ses dernières forces s'éteignent.
L'importance de ce roman (dont Giono,
sans doute, aimerait bien des pages), malgré l'exaltation trop constamment
tendue qui risque d'incommoder le lecteur, et peut-être de le faire sourire,
est d'avoir libéré son auteur d'une sorte de romantisme druidique qui,
jusqu'alors, alourdissait sa pensée et son style et tenait la bride à un humour
dont la qualité fera le succès du roman suivant, Tortilla Flat (1935).
Les personnages de cette histoire
gaillarde sont des « paisanos ». John Steinbeck définit le « paisano »
de la façon suivante : « Un mélange d'Espagnol, d'Indien, de Mexicain
et de sangs caucasiens variés. Ses ancêtres habitent la Californie depuis un
siècle ou deux. Il parle
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