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Des souris et des hommes

Des souris et des hommes

Titel: Des souris et des hommes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John Steinbeck
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d'un romantique et d'un poète à sensibilité aiguë mais tenue
correctement en laisse ainsi qu'il sied à tout Anglo-Saxon de notre siècle. Sa
poésie n'éclate pas, comme celle de Faulkner, en formules magiques, en cascades
d'images rutilantes et farouches. Elle est d'une nature plus franche, plus
délicate et plus intime aussi, et beaucoup plus loyale. Steinbeck joue toujours
franc jeu et se montre sans voiles. De sa sensibilité refoulée naît le désir
d'évasion qui, sous des formes diverses, agite tous ses personnages. C'est
l'esprit d'aventure qui met Henry Morgan à la tête des frères de la côte, qui
suggère à Joseph Wayne de quitter le Vermont paisible et sûr pour la Californie
incertaine, qui stimule le zèle de Mac, qui fait errer George et Lennie sur les
grand-routes. A la base de cette inquiétude il y a le rêve. Pour Henry Morgan,
c'est la Santa Roja, pour Joseph Wayne, la communion avec la terre, pour Danny
et ses amis, les fantaisies miraculeuses qui embellissent leurs existences
sordides, pour Mac, la république des travailleurs, pour George et pour Lennie
la petite ferme et les lapins soyeux. Et la fin de ces rêves est toujours une
désillusion. La Santa Roja ne diffère pas des autres femmes, la terre aimée de
Joseph Wayne se dessèche et lui boit le sang, le paradis communiste de Mac
recule à l'arrivée de la police, et Lennie meurt, les yeux ravis par la vision
de ses lapins. Le petit Jody lui-même, si jeune pourtant, comprend, après la
mort du poney rouge et de Nelly, que Billy Burck, malgré toute son autorité,
n'a pas le don de conjurer le mal. De là l'impression de profonde solitude qui
plane sur tous les héros de Steinbeck. « Les types comme nous, y a pas
plus seul au monde », dit George à Lennie. Jouets de leurs rêves et déçus
par eux, ils s'en vont, telles ces épaves qui partent à la dérive après qu'a
disparu ce qui était leur raison d'être et leur support. Le monde de Steinbeck
est un monde cruel qui justifie un pessimisme né d'une sensibilité trop
aisément froissée et qui, aux moments de révolte, frôle parfois la morbidité.
Il aime peindre les déshérités, les monstres et les fous, il affectionne les
scènes d'horreur et de brutalité, mais, à la différence de Hemingway, il ne se
permet pas de violences gratuites et ses héros n'ont rien du matamore. On ne
trouve pas non plus chez lui le macabre burlesco-sensuel de Caldwell. En
revanche, il sait envelopper ses pages les plus atroces dans une atmosphère de
conte fantastique où l'on peut déceler la trace de ses attaches irlandaises.
Jamais il ne manque de laisser entrevoir, à travers un idéalisme vivace, encore
qu'éternellement blessé, une tendresse de bon Samaritain envers ses compagnons
de misère et de rêve dans cette vallée de larmes. Et cette sympathie constante
n'est pas le moindre agrément d'ouvrages qui, par leurs autres qualités, d'un
ordre moins subjectif, méritent qu'on les signale, sans plus tarder, à
l'attention des lecteurs étrangers.
     
     
    Maurice-Edgar
Coindreau.
     
     
    Princeton University, 1939.

 
     
     
     
     
     
    I

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    A quelques milles au sud de Soledad, la
Salinas descend tout contre le flanc de la colline et coule, profonde et verte.
L'eau est tiède aussi, car, avant d'aller dormir en un bassin étroit, elle a
glissé, miroitante au soleil, sur les sables jaunes. D'un côté de la rivière,
les versants dorés de la colline montent en s'incurvant jusqu'aux masses
rocheuses des monts Gabilan, mais, du côté de la vallée, l'eau est bordée
d'arbres : des saules, d'un vert jeune quand arrive le printemps, et dont
les feuilles inférieures retiennent à leurs intersections les débris déposés
par les crues de l'hiver ; des sycomores aussi, dont le feuillage et les
branches marbrées s'allongent et forment voûte au-dessus de l'eau dormante. Sur
la rive sablonneuse, les feuilles forment, sous les arbres, un tapis épais et
si sec que la fuite d'un lézard y éveille un long crépitement. Le soir, les
lapins, quittant les fourrés, viennent s'asseoir sur le sable, et les endroits
humides portent les traces nocturnes des ratons laveurs, les grosses pattes des
chiens des ranches, et les sabots fourchus des cerfs qui viennent boire dans
l'obscurité.
    Il y a un sentier à travers les saules et
parmi les sycomores, un sentier battu par les enfants qui descendent des
ranches pour se baigner dans l'eau

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