Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
Vom Netzwerk:
jubilait, Justinien
ruminait. Le « Ta grâce dépend de ta prestation » du prévôt, loin de
le stimuler, avait douché son euphorie naissante. Ainsi rien n’était acquis.
Tout restait à faire, et quel « tout » !
    — Que dois-je faire
maintenant ? demanda-t-il piteusement à Beaulouis qui venait de héler ses
fils et leur ordonnait de préparer un bain.
    — Tu vas obéir aux ordres du
baron en commençant par te décrotter, mais en attendant que l’eau chauffe,
viens choisir tes frusques.
    Justinien le suivit dans l’entrepôt
où Beaulouis exposait à la vente les effets et objets divers laissés en gages
par les prisonniers et resta en arrêt devant le choix.
    Des dizaines de pourpoints, de
justaucorps, de manteaux et de capes pendaient du plafond, enfilés sur des
longues tringles de bois. Un pan de mur était réservé aux chapeaux et faisait
face à des étagères offrant des rangées de perruques aux formes et qualités
inégales, des souliers de toutes tailles, des bottes et même quelques sabots.
Des coffres poussés le long des parois débordaient de chemises, de
hauts-de-chausses, de bas, de manchettes, de rubans, de mouchoirs, de gants et dans
des tiroirs posés sur des tables à tréteaux il vit des alignements de
tabatières, certaines ouvragées, de pipes à petun, de râpes à priser, de
briquets à silex, mais aussi tout un assortiment de couteaux à lame pliante.
Parmi ces derniers, Justinien reconnut avec émotion le couteau de Pibrac offert
par Martin qui lui avait été dérobé avec le reste de ses affaires.
    — C’est le mien. Regardez, mon
nom est marqué dessus.
    En effet, Beaulouis lut sur le
manche de corne Jules Pibrac.
    — Pourtant tu ne te prénommes
pas Jules.
    — C’est celui de mon père,
mentit-il en revoyant papa Martin le lui offrir, quatre ans plus tôt, la veille
de son départ pour le séminaire de l’ordre des Vigilants du Saint Prépuce.
     

Chapitre III
     
    Dès sa plus tendre enfance,
Justinien avait été bercé par les aventures de Martin Coutouly et de son
inséparable compagnon Jules Pibrac, avec qui il avait navigué un quart de
siècle.
    — Nous étions si inséparables
que, tu me croiras si tu le veux, mon garçon, quand l’un pétait, c’était
l’autre qui puait.
    Martin avait seize ans lorsqu’il
partit de Roumégoux avec l’intention de gagner Marseille et de voir la mer. Un
peu avant Nîmes, il rencontra Jules Pibrac qui venait de Clermont pour voir lui
aussi la mer. Ils ne se quittèrent plus.
    Engagés comme mousses sur un
trois-mâts vénitien coulé au large d’Alexandrie par des pirates barbaresques,
ils avaient été repêchés pour être vendus au marché du Caire à un prospère
fabricant d’eunuques du quartier des Pyramides. (« Tu me croiras si tu
veux, Justinien, mais ces Infidèles sont tellement dans l’erreur que Dieu les a
condamnés à tout faire à rebours… Tu souris niaisement mais c’est parce que tu
ignores que ces gens-là écrivent de droite à gauche et lisent pareillement,
qu’ils portent des robes comme des garces et comme elles ils pissent
accroupis ! Je les ai vus tels que je te vois, s’asseoir les jambes
repliées sous eux sans jamais avoir de crampes, et quand ils prient leur Allah,
ils s’humilient le front dans la poussière et le fondement impudiquement dressé
en l’air tels des sodomites. Que je sois pétrifié en crotte de crapaud si je
mens ! »)
    D’apparence fort simple (« on
écrase les testicules de l’enfant dans un bain chaud »), la technique de
fabrication des eunuques de harem était en fait des plus délicates et exigeait
une parfaite maîtrise qu’El Hadj Mahmoud (Martin prononçait
« Marmoude ») possédait sur le bout des ongles, qu’il portait longs
et peints. Autre corde à son arc, il recousait fort habilement les virginités
malmenées de certaines princesses du sultan.
    Martin et Jules vécurent cinq ans
sous la perpétuelle menace d’être à leur tour castrés à la moindre incartade.
(« Et il l’aurait fait ! Crois-moi si tu peux, nous l’avons vu, de
nos yeux vu, offrir un somptueux repas à un esclave italien qui s’était enfui
et qu’il avait repris. Une fois que le pauvre bougre – qui se doutait de
quelque chose – se fut gobergé à éclater, il lui a fait boucher le fondement à
la cire. Après, il l’a enfermé dans une cage que des porteurs déplaçaient
chaque fois qu’il changeait de place. Il voulait toujours l’avoir

Weitere Kostenlose Bücher