Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
Vom Netzwerk:
allait
être répertorié comme un cas sans précédent d’« infanticide
culinaire ».
     
    *
     
    L’emprisonnement de Galine fut
d’emblée une authentique manne pécuniaire pour son geôlier. A peine Beaulouis
venait-il d’en prendre livraison que des curieux tambourinaient aux portes en
suppliant qu’il les laisse entrer « à n’importe quel prix ». Ce fut
donc à la demande générale qu’il enchaîna Galine seul dans une cellule du
premier palier et organisa des visites payantes.
    Devant le succès de la formule et
l’audace de certains, il dut protéger son assassin en plaçant une barrière
entre lui et le défilé des visiteurs. Beaulouis eut également la bonne idée de
se procurer d’un chauffe-cire du tribunal le texte de la sentence puis de le
faire recopier par Justinien. Il vendit chaque copie cinq sols pièce et aussi
aisément que des oublies chaudes un dimanche à la sortie de la grand-messe.
    Quand il sut que le bourreau de
Rodez était indisponible et que l’on ne parvenait pas à joindre celui d’Albi,
il haussa le tarif de la visite, exigeant trois liards par personne (le prix
d’une nuit entière avec une bambocheuse de la rue des Branlotins). Auparavant,
il colmata les archères et plongea la cellule dans la pénombre afin d’exiger un
supplément pour les torches.
     
    *
     
    Le tribunal déclare Pierre Galine dûment atteint et
convaincu du crime très-méchant, très-abominable et très-détestable
d’infanticide culinaire commis sur la personne de l’enfant Désiré Crespiaget.
Pour réparation condamne ledit Galine à être mené à la place du Trou et, sur un
échafaud qui y sera dressé, aura lentement les bras, cuisses, jambes et reins
rompus vifs, et mis ensuite sur une roue, la face vers le ciel, pour finir ses
jours tant et si longtemps qu’il plaise à Notre Seigneur de l’y laisser.
     
    Justinien terminait sa huitième
copie depuis tierce quand Beaulouis entra dans la cellule en se grattant le
coude, l’air inhabituellement songeur.
    — Je crois qu’il existe une
possibilité de t’éviter les galères.
    Justinien eut un haut-le-corps.
    — La chaîne est en
avance ? Elle arrive ?
    — Non, ne te chaille pas, elle
ne passera pas avant la Saint-Michel. Écoute, si tu acceptes mon marché, je me
fais fort d’embabouiner le juge Cressayet pour qu’il obtienne ta grâce.
    — Si j’accepte quoi ?
    — C’est tout simple. Le prévôt
n’a toujours pas trouvé de bourreau pour Galine. Il offre une prime de
cinquante livres à tout volontaire. Présente ta candidature et si le baron
accepte, partage avec moi la prime, fais le serment sur la Bible qu’une fois
gracié tu seras mon scribe dix ans durant et tu es sauvé des galères.
    Le fol espoir qui venait de naître
chez Justinien s’éteignit.
    — Vous vous daubez, Maître
Beaulouis. Comment voulez-vous que je ROUE ? Jamais je ne saurai… Je n’ai
jamais rien tué de mes mains, même pas une poule, tout juste un rat.
    Soulagé d’entendre des arguments
d’ordre pratique et non moraux, le geôlier se fit enjôleur.
    — Réfléchis, mon garçon. Tu
tiens là une chance unique d’échapper à la chiourme. Tu ignores sans doute que
le seul moyen de survivre à vingt ans de galère, c’est d’être un bon rameur.
Comme les bons rameurs sont précieux, quand leur temps se termine, on trouve
toujours un prétexte pour les garder. Ce que je veux dire, c’est qu’une
condamnation à temps est toujours une condamnation à vie.
    Justinien ne crut pas utile de
demander ce qu’il advenait des mauvais rameurs.
    — Je vous répète que je ne
saurai jamais rompre.
    — Puisque je te dis que je te
débourrerai… Tu verras, quand on sait où frapper, c’est aussi simple que de
fendre du bois. Tu as déjà fendu du bois ? Oui ? Eh bien, c’est
pareil. Alors c’est oui ?
     
    *
     
    Les membres du conseil baronnial se
turent lorsque l’huissier introduisit Maître Beaulouis poussant devant lui
Justinien enchaîné aux mains.
    Le juge Cressayet reconnut le jeune
bricon au faux nez qui lui avait tant râpé l’ouïe avec ses clameurs
d’innocence. Il fronça les sourcils en jouant avec son rabat. Quelque chose le
chagrinait, qu’il ne pouvait définir.
    Assis sous son blason sur un
fauteuil aux accoudoirs torsadés, le baron Raoul eut une moue de déception.
L’aspect guenilleux du candidat, sa jeunesse, ce nez postiche et aussi le fait
qu’il ne portât qu’une seule sandale aux

Weitere Kostenlose Bücher