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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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pieds lui déplurent.
    — Rompre un homme n’est pas une
mince affaire, dit-il en s’adressant au geôlier. Votre vilain en est-il
seulement capable ?
    — Il le sera, Monsieur le
Baron. J’ai vu comment pratiquait Maître Pradel de Rodez, je lui montrerai,
plaida Beaulouis d’une voix confiante.
    Justinien s’interrogeait sur
l’opportunité de mentionner sa supplique restée sans réponse lorsque le baron
cracha un jus de chique et se leva, suivi d’un garçonnet qui devait être son
fils tant la ressemblance était frappante. Il les vit approcher avec
appréhension et baissa les yeux, en s’attendant au pire. Ils tournèrent autour
de lui comme on tourne autour d’un cheval que l’on hésite à acheter.
    — Dis-nous, maroufle, pourquoi
tu ne portes qu’une seule grolle ? finit par demander le baron.
    Justinien releva la nuque. Leurs
regards se croisèrent. Celui du seigneur était presque invisible au fond des
orbites.
    — Un rat a mangé l’autre,
Monsieur le Baron.
    Guillaume, le fils, plus intéressé
par son nez en bois, demanda poliment à le voir de plus près. Justinien le
délaça et le lui remit.
    Le garçonnet le fit tourner entre
ses doigts en l’examinant sous toutes ses facettes.
    — Il n’est pas bien fait.
    — C’est vrai, mais je l’ai
taillé très vite, je n’ai pas eu le temps de fignoler. En plus, ce n’est pas du
bon bois.
    Guillaume lui rendit son nez qu’il
s’empressa de relacer.
    Le baron était retourné s’asseoir
quand il déclara :
    — Puisque ce vilain pouacre va
représenter ma haute justice, il serait messéant qu’il ressemblât à un
épouvantail à corneilles. Il est sale et pue comme un privé. Qu’il prenne un
bain et soit honnêtement vêtu le jour du supplice… que je fixe à demain, cette
affaire n’a que trop duré.
    Beaulouis eut un large sourire,
Justinien se détendit. Sa candidature était retenue, il ne serait pas galérien.
    Pendant que le geôlier
déverrouillait ses chaînes en extrayant à la tenaille les manilles, Duvalier,
l’assesseur du juge, présenta au baron la lettre de rémission annulant la
faute, la lettre de grâce annulant la condamnation et la lettre de commission
d’exécuteur des hautes œuvres de Bellerocaille, pour un jour.
    Le chauffe-cire de service enflamma
sa bougie et fit fondre d’un bâtonnet des grosses gouttes de cire rouge sur
chacun des documents. Le baron y enfonça le sceau des Boutefeux qu’il portait à
son médium gauche, puis quitta le conseil, abandonnant les détails à son juge
et à son prévôt, suivi de Guillaume qui devait trottiner pour être à sa
hauteur. Tous ceux présents dans la grande salle se levèrent et ne se rassirent
qu’une fois le père et le fils disparus.
    Justinien léchait ses poignets
écorchés par les bracelets de fer quand l’assesseur réclama son nom pour
l’inscrire dans les blancs réservés à cet effet.
    — Justinien Pibrac, dit-il en
se demandant ce qu’aurait pensé le vrai Pibrac de cette usurpation d’identité.
    L’assesseur remit les trois lettres
au juge qui les relut attentivement avant d’en tendre deux à Justinien.
    — Et ma grâce ? s’étonna
ce dernier.
    — Chaque chose en son temps.
Elle te sera remise après l’exécution.
    Soudain Cressayet sut ce qui le
préoccupait chez ce bricon. Il fit signe au geôlier de s’approcher.
    — Dites-moi, Maître Beaulouis,
si ma mémoire est bonne, et elle est excellente, j’ai condamné ce capon voici
trois bons mois. Expliquez-moi pourquoi il n’est pas parti avec la dernière
chaîne.
    — Ses complices lui ont brisé
une jambe, Votre Honneur, et le capitaine Cabrel n’en a pas voulu.
    — Hum, hum, hummhumm, fit le
magistrat en tripotant son rabat qui, à la longue, était surchargé de traces de
doigt.
    Il flairait que le Verrou humain
n’était pas neutre dans cette affaire, mais il ne devinait pas comment ni
pourquoi.
    Le prévôt Henri de Foulques vint
rappeler à Justinien que le supplice devrait débuter impérativement à none, le
lendemain, place du Trou.
    — Le temps nous est compté,
aussi n’en perds pas, car aucun nouveau retard ne sera admis. Ta grâce dépend
de ta prestation.
    Déjà il retournait s’asseoir et
rédigeait le communiqué pour le crieur public.
    Beaulouis et son ex-prisonnier
sortirent en silence, traversèrent la cour d’honneur et passèrent dans la
basse-cour, chacun plongé dans d’intenses réflexions contradictoires.
    Le geôlier

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