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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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recteur gouvernait et administrait, bon an mal an, une centaine de
postulants répartis en décuries. Ce recteur était assisté d’un préfet des
mœurs, d’un principal et de douze régents. Ces derniers étaient secondés par
des auxiliaires recrutés chez les postulants. Ces auxiliaires étaient chargés
de faire du zèle pour stimuler celui des autres. Ils devaient aussi espionner
et dénoncer s’il y avait lieu. On les nommait des décurions et leur devise
était : « Où que tu sois, je te vois. »
    Afin de soustraire les nouveaux
postulants à toute influence extérieure, on les isolait à l’intérieur des hauts
murs du séminaire, puis on emprisonnait leur esprit dans un règlement d’une
extrême rigueur qui les prenait en charge du réveil au coucher. Tout manquement
était jugé par un tribunal : l’officialité. Les punitions étaient fonction
de la gravité des fautes commises.
    Les coupables de péchés mortels
étaient condamnés à des séjours rédempteurs à la Brebis galeuse, la prison de
l’ordre, tenue par les sœurs rigoureuses.
     
    *
     
    Justinien dut délacer son nez et se
laisser inspecter par les soldats de l’octroi avant qu’ils ne l’autorisent à
entrer dans le bourg.
    Il demanda son chemin, arpenta
plusieurs rues populeuses et arriva place Royale où se trouvait le séminaire,
invisible derrière des murailles aussi épaisses que celles du château des
Armogaste lui faisant face.
    Justinien s’approcha de la poterne
encadrée par un couple de grands chênes centenaires et tira sur la cloche. Une
lucarne s’ouvrit, un visage barbu s’y encadra.
    — Je viens de Roumégoux. Je
suis un nouveau postulant.
    La porte s’entrebâilla, il entra,
elle se referma aussitôt. Il songea avec un pincement de cœur aux propos du
quéreur de pardons. Il suivit le frère portier et vit un grand bâtiment
construit, comme à Roumégoux, autour d’une chapelle ressemblant beaucoup à
celle du Saint Prépuce. Il longea un promenoir jusqu’à un escalier menant au
premier étage où se trouvaient les appartements de l’abbé recteur Gédéon. Quand
Justinien entra, celui-ci lisait Discours sur l’histoire universelle, de
Monseigneur Bossuet, précepteur du Grand Dauphin.
    Après une révérence plutôt gauche,
Justinien lui remit la lettre de présentation cachetée au sceau du Grand Vigilant.
    Le recteur lut en hochant sa tête
perruquée à certains passages, coulant alors un regard curieux vers son nez.
    — Postulant Justinien Trouvé,
l’ordre n’a que faire des cœurs tièdes, des esprits médiocres et des corps
débiles. Vous avez deux ans pour nous démontrer que vous n’êtes rien de cela.
    — J’espère me montrer digne de
l’honneur qui m’est…
    Une gifle lui coupa la parole,
déplaça son nez, l’étourdit à demi.
    — Règle première, expliqua le
recteur Gédéon d’une voix affable : un postulant ne parle que s’il y est
autorisé.
    Justinien réajusta son nez, la joue
en feu, les idées en tumulte.
    — Sachez, mon enfant, que cette
gifle n’est en aucune façon une punition pour avoir enfreint un règlement dont
vous ignorez tout : cette gifle fait partie d’une pédagogie destinée à
débourrer la mémoire des plus obtus. Je perçois votre scepticisme teint de
reproche mais je puis vous assurer que vous n’êtes pas près d’oublier notre
règle numéro un. Me suis-je fait entendre, postulant Trouvé ? Répondez.
    — Oui, Monsieur le Recteur,
mentit Justinien qui n’avait pas écouté.
    Sa joue lui faisait mal et c’était
la première fois qu’on le giflait. Il n’aimait pas du tout.
    — Quel âge avez-vous ?
Répondez.
    — Seize ans, Monsieur le
Recteur.
    L’abbé Gédéon soupira. Il déplorait
ces recrutements tardifs et était de ceux qui préconisaient au Grand Vigilant –
le seul à pouvoir modifier le règlement – l’abolition de la limite d’âge.
« Plus nos postulants sont jeunes, Monseigneur, plus il nous est commode
de les former. Leur esprit est alors aussi malléable que du cristal mou et il
nous est aisé de leur faire perdre à jamais l’envie, et même l’idée qu’ils
puissent un jour diriger autrement leur existence. » L’abbé recteur
soupira une nouvelle fois. « Le sien doit être déjà comme du silex »,
jugea-t-il en dévisageant d’un air dubitatif le nouveau.
    — Veuillez me suivre. Je vais
vous présenter maintenant à votre préfet des mœurs.
    Celui-ci se trouvait à l’autre

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