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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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à l’extrémité duquel était fixée la
roue de charrette où Galine une fois rompu devrait attendre la mort. Justinien
s’en approcha. Beaulouis avait raison : jamais il ne pourrait hisser le
corps là-haut tout seul. Maître Pradel, lui, avait quatre valets pour
l’assister.
    — Si personne ne veut m’aider,
tant pis, je le laisserai sur la Saint-André et qu’ils se débrouillent, nul
n’est tenu à l’impossible… Au fait, où est cette croix ?
    Ignorant les regards malveillants de
Maître Calzins vers son nouveau nez, il fit le tour de l’échafaud et la trouva
sur les pavés, à côté de l’échelle et d’une boîte à clous et à chevilles d’où
dépassait une scie égoïne. Tout lui sembla en ordre. Pourtant il refit le tour
de l’échafaud en affichant un air peu satisfait destiné à irriter le
charpentier. Ce qui ne manqua pas. Alors, s’approchant du sergent pertuisanier
qui bavardait avec son homologue de la maréchaussée, il donna le signal du
retour à la tour-prison d’où il ne sortit plus avant l’heure fatidique.
     
    *
     
    Justinien ne toucha pas au repas à
dix sols préparé par la femme Beaulouis.
    — J’ai la gargante trop serrée,
rien ne passe.
    — C’est normal, on te le met de
côté, tu le mangeras plus tard. Maître Pradel fait toujours ripaille après.
    Le geôlier remplit toutefois son
gobelet de clairet.
    — Tiens, bois au moins, c’est
du bon.
    Justinien avala une gorgée qui passa
de justesse. Il reposa le gobelet en grimaçant. Au loin, des ovations se firent
entendre.
    — Ça vient du côté de la place
du Trou. Ce doit être le comte-évêque de Rodez qui s’installe au balcon de la
prévôté.
    — Le comte-évêque est là ?
    — Avec toute sa cour, il est
arrivé dans la matinée. Il y a aussi l’intendant et les commissaires
subdélégués de Rodez, Ville-franche et Millau. Ah, on peut dire que cette
affaire aura fait grand carillon, je n’ai jamais tant vu de monde en
ville ! Même pour la foire de Saint-Laurent, et pourtant… Mais
qu’as-tu ? Tu en fais une tête !
    Si l’on venait d’aussi loin que
Millau, on devait aussi venir de Roumégoux, plus proche. Et si quelqu’un le
reconnaissait et le dénonçait ? Il serait arrêté et jugé à nouveau. Cette
fois il serait condamné à être pendu ou peut-être décapité à la hache, il
ignorait le châtiment exact réservé aux personnes coupables des crimes qu’il
avait commis avant de fuir Roumégoux pour retrouver Mouchette.
    — Toutes les fenêtres de la
place sont louées, poursuivait Beaulouis d’une voix où perçait l’envie. Celles
de l’auberge Au bien nourri qui donnent directement sur l’échafaud sont parties
à cinq livres. Cinq livres ! C’est à ne pas y croire… Au fait, j’ai vu
l’échafaud. Il est au moins le double de celui de Maître Pradel !
J’aimerais voir la tête du prévôt quand Calzins lui présentera son mémoire de
frais.
    Justinien n’écoutait pas, il pensait
à Mouchette. Il vida son gobelet, Beaulouis le remplit.
     

Chapitre V
    — C’est l’heure ! déclara
le capitaine de la milice baronniale en présentant l’ordre de livrer le
condamné à son exécuteur.
    Bredin inscrivit la levée d’écrou,
ses frères enflammèrent des torches et Beaulouis passa le premier dans
l’escalier menant à la cellule de Pierre Galine.
    Aussi visité qu’une sainte relique,
celui-ci ne fit aucun mouvement lorsque la petite pièce circulaire dans
laquelle il croupissait depuis deux semaines s’emplit de monde.
    Comme tous ceux qui avaient payé
pour le voir, Justinien fut déçu par son aspect très ordinaire. Taille moyenne,
traits quelconques, regard inexpressif, rien en lui n’évoquait son crime.
    Jacquot et Lucien rangèrent les
barrières de bois ayant servi à canaliser le flot des curieux (« Si on les
avait laissés faire, ils lui auraient arraché tous ses cheveux pour s’en faire
des philtres »), Bredin et son père démanillèrent les chaînes enfermant
ses membres et son cou, puis ils lui ordonnèrent de se dévêtir.
    — Ne garde que ta chemise.
    L’air absent, comme préoccupé par un
motif étranger à sa situation présente, Galine obéit sans un mot.
    — Tu peux les prendre, dit
Beaulouis à Justinien, désignant le pourpoint, le haut-de-chausse, les bas et
les chaussures du condamné. A part la chemise qu’il doit conserver pour la pudeur,
tout ce qui est sien devient propriété du bourreau. C’est

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