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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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l’enfer ne se baissait qu’en été ? La question l’intéressait
d’autant plus qu’il se savait condamné à cette fin. La somme des péchés mortels
qu’il avait commis depuis le début de l’année en était la garantie. Tôt ou
tard, son étoile tomberait dans le ciel et il se demanda si cette nuit-là
quelqu’un serait dehors pour la voir filer.
     
    *
     
    Prime carillonnait à tous les
clochers quand Justinien quitta le créneau et réintégra sa cellule. Les portes
de la ville s’ouvrirent et avant de sombrer dans le sommeil il entendit les
grincements des mécanismes hissant la herse, puis abaissant le pont-levis du
château.
    Une heure plus tard, Beaulouis et
ses fils le réveillaient et posaient sur sa table un bouillon de porc salé, une
assiette de boudin blanc, un poulet rôti (entier) ainsi qu’un assortiment de
fruits et un pichet de clairet.
    Pendant qu’il mangeait ce repas à
huit sols, le geôlier et ses fils examinaient le nouveau nez qu’il s’était
taillé, un nez droit comme un « I » majuscule qui renforçait
l’énergie de son visage.
    Lorsqu’il fut rassasié, Beaulouis
l’invita à le suivre dans la cour.
    — Maître Lenègre a fait livrer
la barre, je vais te montrer comment t’en servir.
    Sans être rare, le châtiment de la
roue n’était pas commun, aussi l’expérience du Verrou humain en la matière se
résumait-elle au souvenir de deux exécutions de Maître Pradel. La première
fois, il avait rompu un réformé qui avait jeté dans un puits son fils sur le
point de se convertir et, quelques années plus tard, un empoisonneur de Séverac
qui avait trucidé son bienfaiteur pour en hériter.
    — D’abord, souviens-toi que tu
ne peux pas porter plus de onze coups, c’est la loi. Quatre pour les jambes,
quatre pour les bras, deux pour la poitrine et le dernier pour la taille. La
rapidité ou la lenteur de l’agonie dépendra de la façon dont tu vas les donner.
N’oublie pas que sa mort doit être angoisseuse, aussi tu prendras soin d’éviter
de frapper à l’endroit du cœur, au cou et à la tête si tu ne veux pas risquer
de le tuer net.
    Désignant la direction de la tour,
Beaulouis proposa :
    — Allons le voir, je te
montrerai sur lui.
    — Merci bien !
Indiquez-moi seulement où je dois frapper exactement.
    Justinien appréhendait l’instant où
le condamné comprendrait qu’il était son bourreau. Il en était gêné d’avance.
    — Comme il te plaira. Pour les
membres, ce n’est pas difficile, tu tapes au centre des os longs.
    Il se toucha le bras, l’avant-bras,
la cuisse et la jambe.
    — Pour la poitrine, tu tapes
là.
    Il tapota son sternum.
    — Et pour la taille, tu vises
le nombril. Mais attention, tu dois porter ce dernier coup plus fort que les
autres si tu veux atteindre et briser l’os du dos.
    Se tordant le bras, Beaulouis toucha
sa colonne vertébrale.
    — Si tu veux, je te vends un
mouton pour t’entraîner sur lui.
    Justinien préféra une botte de foin.
Ses essais révélèrent l’utilité d’une paire de gants afin de raffermir sa prise
sur la barre de fer. Il en parla au geôlier qui approuva.
    — Maintenant que tu m’en
parles, je me rappelle que Maître Pradel en porte toujours. Retournons à
l’entrepôt, j’en ai un coffre plein.
    Son choix arrêté sur une paire en
peau de cerf gris-bleu, Justinien jugea prudent de se rendre place du Trou vérifier
où en étaient les préparatifs.
    A nouveau encadré par les quatre
hommes du guet et leur sergent pertuisanier, il franchit le pont-levis et prit
plaisir à faire résonner ses bottes sur le bois.
    Malgré l’heure matinale, beaucoup de
gens se pressaient sur la place.
    — V’là l’bourel ! prévint
une voix.
    La nouvelle circula. On se bouscula
pour l’apercevoir et les soldats durent cogner avec leurs manches de pique.
    — Place au guet, racaille.
Arrière ! Arrière !
    Au centre de la place, protégés par
une compagnie de la maréchaussée disposée en carré autour d’eux, Maître Calzins
et ses aides posaient un escalier de huit marches contre le flanc d’une
imposante plate-forme. Son « client » s’étant borné à lui commander
« un échafaud », le maître charpentier en avait profité pour ne
lésiner ni sur les dimensions (six mètres de long, quatre de large, deux de
haut), ni sur la qualité du bois (son meilleur chêne de Provence).
    A deux toises de l’excessif ouvrage,
le forgeron Lenègre avait planté un mât

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