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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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la loi.
    Au mot « bourreau »,
Galine tourna la tête vers le jeune homme, s’attardant comme tous sur son nez.
Justinien baissa les yeux. Il ne toucha pas au tas de vêtements empilés par
terre.
    — Pressons, pressons, grogna le
capitaine milicien.
    — Vas-y ! Il est à toi
maintenant, tu peux le ligoter, dit le Verrou humain.
    Fuyant son regard, Justinien saisit
les poignets écorchés par les fers de Galine et les lui lia dans le dos,
serrant fort sur les nœuds.
    Il y eut des claquements précipités
de sandales dans l’escalier. Un frère de la Miséricorde, en sueur sous sa bure
et chargé d’un crucifix presque aussi grand que lui, apparut dans le cachot.
    — Je vous fais mille excuses
pour mon retard, mais la multitude est telle autour de la prison que j’ai cru
qu’on ne me laisserait jamais passer.
    Le capitaine exprima un vif
mécontentement.
    — Par la Mordieu, je pensais
qu’il était déjà confessé ! Nous allons être en retard !
    Galine s’agenouilla devant le crucifix,
l’air plus absent que jamais.
    Beaulouis, ses fils et Justinien
sortirent dans le couloir. Le capitaine resta sur le pas de porte, piaffant
d’impatience en tripotant la garde de sa rapière.
    — Ne pourrait-on pas le
détacher, plaida le miséricordieux, le temps de la confession tout au
moins ?
    — Bernique, ça ira comme
ça ! Ce monstre ne mérite pas tant d’égards. Hâtez-vous, mon frère, nous
n’avons perdu que trop de temps.
    Dans l’étroit couloir, Beaulouis
tâtait l’étoffe des vêtements de Galine. Ils étaient faits de bons draps de
Saint-Geniez.
    — Pourvu que tout se passe
bien, murmura Justinien en tapotant sur son nez de tilleul.
    — Pourquoi en serait-il
autrement ? Je t’ai montré où et comment frapper. Tu frappes, c’est tout.
    — Je sais ce qu’il faut faire,
mais j’ai peur de mal le faire.
    — Cesse de te turlupiner. Je te
répète que c’est facile. Regarde-le, c’est un gringalet.
    — Pressons, mon frère,
pressons ! gronda le capitaine qui trépignait.
    La litanie des agonisants terminée,
le miséricordieux bénit le condamné et l’aida à se relever. Justinien se plaça
derrière lui. On se mit en marche.
    Dans la cour ensoleillée, quarante
miliciens disposés en deux rangs les attendaient. Le capitaine monta sur son
cheval.
    — Êtes-vous prêt ?
demanda-t-il en regardant Justinien.
    — Je suppose…
    L’officier allait donner l’ordre
d’ouvrir les portes quand le jeune homme l’en empêcha.
    — Faites excuse, Monsieur le
Capitaine, mais j’ai oublié quelque chose.
    Il courut vers la tour carrée et en
ressortit presque aussitôt, l’air confus, tenant la barre, les garcettes et les
gants. Le capitaine le foudroya du regard mais s’abstint de commentaires. Il
fit signe aux hommes près des portes. Les lourds ventaux bougèrent sur leurs
gonds. Une immense clameur retentit :
    — Le voilà ! Le
voilà ! hurla une foule difficilement contenue par une haie de soldats du
guet.
    Dans l’espace dégagé, une vingtaine
de pénitents encagoulés de noir entonnèrent le Salve, Regina en se
plaçant en tête du cortège. Le capitaine les suivit, puis ce fut Justinien et
son prisonnier encadrés par des miliciens ; fermant la marche, le
miséricordieux et son pesant crucifix. Des grappes de gens agglutinés aux
fenêtres les montraient du doigt.
    — Voilà le monstre ! En
enfer ! En enfer !
    Justinien qui marchait en retrait
rabattit un peu plus son chapeau. Soudain Galine, comme pris de folie, se mit à
danser une étrange sarabande. Quand on en comprit la cause (les pavés
surchauffés de soleil brûlaient ses pieds nus), ce fut l’hilarité générale.
    — En enfer ça va être
pire ! lui cria un homme juché sur l’auvent d’une échoppe de teinturier.
    — Mirez l’bourrel ! On
dirait qu’il va à la pêche au goujon ! lança un autre en désignant
Justinien qui avançait en portant sa barre sur l’épaule.
    Les rires redoublèrent. Même ceux
qui ne voyaient rien s’esclaffèrent de confiance.
    Les pénitents quittèrent la rue du
Paparel et s’engageaient dans la rue Magne au bout de laquelle se trouvait la
place du Trou quand Galine, qui sautillait en s’efforçant de poser ses pieds
entre les pavés brûlants, murmura d’une voix grave :
    — Tue-moi vite et ma famille te
donnera dix louis d’or.
    Dix louis d’or ! Soit deux cent
quarante livres, quatre mille huit cents sols, cinquante-sept mille six

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