Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
brilleront au royaume des Lys d’un éclat sans pareille, je m’y engage. Parole de roi.
— Bravo ! Mais allons aux faits.
« Nous sommes au début du printemps de l’an 1643. Monsieur de Richelieu est mort depuis quelques mois. La Grande Noblesse de France, qu’il a su mettre au pas, redresse l’échine. Elle lui garderancune. Elle espère retrouver le plein pouvoir de ses privilèges, son droit de justice, son indépendance. Parmi ces Grands, plusieurs n’ont pas hésité à passer des alliances, franches ou tacites, avec l’ennemi, avec l’Espagne.
Cette Espagne, vous ne l’ignorez pas, est inféodée à la Maison d’Autriche. Avec elle, tout un empire rêve de dominer l’Europe et d’imposer son autorité au monde. Cette autorité, c’est celle d’une foi ultracatholique, intolérante et rigoriste, c’est la foi des bûchers et de l’Inquisition. Votre père, Majesté, votre grand-père, ont lutté toute leur vie durant pour que la France conserve sa place, ses mœurs, son esprit, sa lumière… son honneur, son âme ! Majesté, son âme ! Et son âme bien trempée est peut-être la gardienne des libertés. Les extrêmes engendrent la violence et la guerre, l’équilibre apporte la paix et la prospérité.
Certains révoltés parmi les Grands agissaient au nom de leur croyance, certes, mais la plupart espéraient surtout accroître leur prestige et leur richesse en apportant leur complicité à toutes ces manœuvres lancées par vos ennemis. Richelieu déjoua nombre de complots, maintes tentatives d’assassinat…
Quand votre parrain succéda au duc de Richelieu, la révolte un instant soumise se réveilla. S’il entend poursuivre l’œuvre de son prédécesseur, monsieur de Mazarin est un homme différent. Et bien vite, on se dit, dans la rue ou dans son château, que le nouveau gant de pourpre qui gouverne cache cette fois une main de cire. Bref, que l’on risquera moins de perdre sa tête en s’opposant à ce nouveau ministre. En somme, une menace se profile.
Madame la reine votre mère me fait convoquer un beau matin du mois d’avril. »
— Ma mère ?
— Oui, Votre Majesté. Je lui avais rendu quelques services par le passé.
— Quel genre de services ?
— Mais des services servant la France, Votre Majesté. Ne nous égarons pas, cela est une autre histoire. Revenons à la nôtre, si vous le voulez bien.
« Je suis donc fort flatté que l’on se souvienne de moi, moi humble sous-lieutenant de la compagnie des mousquetaires. Unecompagnie que je regrette fort, croyez-moi ! Je trouve la reine fort pâle, sans détour, elle me livre son angoisse, me disant tout de go :
— Monsieur d’Artagnan, je fais appel à vous, car vous avez ma confiance, et je crains pour ma vie.
— Ma reine, lui dis-je, vous m’alarmez à mon tour.
— Je reçois des lettres non signées, m’explique-t-elle, on me parle par sous-entendus, par allusions. Mes anciens amis n’aiment guère me voir soutenir l’autorité de monsieur le cardinal de Mazarin. »
D’Artagnan marque un temps d’arrêt. Il ne sait trop comment aborder ces vérités à suivre.
— Votre Majesté, reprend le chevalier, parlons franc, madame votre mère n’aimait guère le cardinal de Richelieu, homme sévère. Cette antipathie la fit peut-être se rapprocher des adversaires de Son Éminence. Diable, la reine est d’origine espagnole, il lui fallut mieux connaître la France pour l’aimer comme sa nouvelle patrie, le temps et les épreuves l’y ont aidée.
— Je comprends.
— Fort bien. Monsieur de Mazarin étant peut-être plus gracieux de nature, la reine eut sans doute du plaisir à l’écouter, et à se laisser convaincre par le bien-fondé de sa politique. Avec le départ de votre père, elle vit ce que Louis le Treizième avait laissé après lui : une France unifiée, forte et grandie… Elle vit aussi combien ce royaume ne cessait d’être attaqué de toutes parts. Sa mission devait commencer là où s’achevait celle de son époux. Entouré du soutien de votre mère, du parrainage de monsieur de Mazarin, vous avez la chance de ne souffrir aucune division dans votre entourage. Si les frondeurs attaquent au-dehors, au-dedans l’harmonie vous est offerte. Mais reprenons… Les amis d’hier de votre mère, eux, n’ont point changé. Ni de vue, ni de procédés. Ces amis, nous devons les nommer, puisque nous les retrouverons à l’occasion, et puisque enfin nous sentirons constamment
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