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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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pas dans ce sobre décor. Tout ici, l’habitant comme l’intérieur, fait songer à quelque tableau, rares chefs-d’œuvre, du maître Georges de La Tour.
    — Eh bien, demande l’auteur, quel bon vent vous amène, monsieur Poquelin ?
    — Un vent mauvais, monsieur. Je me faisais un point d’honneur de venir vous trouver en premier, et de ne pas attendre pour vous parler, pourtant, j’ai honte. Je suis un misérable. Hercule comptait sur moi et sur la compagnie de l’Illustre-Théâtre que je viens de fonder, pour jouer votre belle œuvre Les Conquistadors .
    — Cette œuvre est aussi un peu la vôtre, elle s’est élevée de terre par la force d’une poignée de maçons, et vous étiez l’un d’eux. Mais asseyez-vous, je vous en prie.
    — Merci, je préfère rester debout. En m’asseyant j’aurais l’impression de m’abaisser encore. Eh bien, je dois revenir sur ma parole. Je me désiste. Je m’écarte. J’abandonne mon ami, mon frère.
    — Parlez, monsieur, je vous écoute bien attentivement.
    — Tout a basculé hier au soir.
     
    « Invité d’honneur à la fête prestigieuse de monsieur de Gaillusac, Hercule devait présenter un florilège de morceaux choisis devant un public prestigieux. Hercule me fit l’amitié de m’inviter à le rejoindre sur les planches. Entre ces apparitions, les farceurs que nous sommes allaient offrir des intermèdes drôles et réjouissants. Tout se déroula à merveille. Sur ce point, rien à dire. C’est ensuite que tout se joua. Hercule est salué, ovationné et nous bénéficions de son succès. Nous partageons son triomphe.
    Je m’étais écarté un instant de la scène et quand j’y reviens, je vois Hercule en pleine conversation avec un homme.
    Cet homme, je ne le reconnais pas encore, pour la bonne et simple raison que je distingue mal son visage. Je ne veux pas déranger, je m’apprête à m’éloigner, mais Hercule tend le bras et me présente à son interlocuteur : Tenez, voici justement Molière, mon ami, mon défenseur, mon partenaire. Monsieur , poursuit Hercule,emporté par son enthousiasme, je vous livre une information de première main : figurez-vous que nous allons bientôt jouer ensemble, Molière, la troupe de l’Illustre-Théâtre, moi-même et une admirable comédienne venue d’Italie, une création originale nommée Les Conquistadors . Surtout, ne manquez pas l’événement, mais je vous laisse en bonne compagnie, on me demande.
    Hercule s’enfuit, me laissant face à cet homme.
    Je m’approche, il relève la tête, nos regards se croisent, je le reconnais.
    Le sang me monte à la tête comme si je venais de poser le pied dans un piège à loup.
    — Votre ami, me dit l’homme, est bien innocent. Il se livre sans prudence. Il lui manque décidément cette mesure qui règle les passions, au service de l’Art.
    Puis il poursuit, profitant de me tenir à sa merci :
    — Ainsi, c’est bien vous l’auteur de ce billet que j’ai pu lire, il y a peu, l’auteur, Valataire, de cette réponse insolente à ma critique.
    Je suis démasqué. Et à la suite d’Hercule, je donne dans le panneau :
    — Hercule vous l’a dit ?
    L’homme sourit. Il me tient, je me suis trahi.
    — Non, vous venez de me l’apprendre. Ou plutôt de m’apporter confirmation.
    Je dois vous expliquer, maintenant, monsieur de Lyon : l’homme qui se tient face à moi, en contrebas, dans son bel habit de velours, en dentelle, n’est pas un défenseur de la nouveauté, un adepte du changement, un ami d’Hercule. C’est même son plus virulent détracteur et celui-ci l’ignorait. Sans prendre garde, nous nous sommes l’un après l’autre livrés entre les mains de notre bourreau.
    Cet homme est l’auteur d’un papier titré Rodrigue l’imposteur. »
    — Philémon Janisse de La Ravoie, dit François de Lyon, d’une voix fébrile. J’ai lu ce billet.
    — Ainsi, vous comprenez, soupire Molière. Quant à moi, j’avais eu l’audace de lui répondre, anonymement, dans une lettre ouverte que je parvins, grâce au soutien financier de notre compagnon et complice don Juan de Tolède, à faire imprimer à fort tirage et à diffuser sous le manteau.
    — Je possède également un exemplaire de cette réplique . Mais continuez, ne vous arrêtez pas.
    — Ce critique Janisse de La Ravoie et moi nous étions préalablement confrontés, au soir du Cid , dans une taverne. Je l’avais démasqué : en vérité, il était jaloux, il voulait le cœur de Chimène,

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