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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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têtes et leurs guenilles devant les badauds, les sergents et le populaire effaré. Oui, ces drôles n’allaient pas sortir de geôle en catimini, mais en grand appareil, tenus sous protection, sous escorte, oui messieurs ! Sous escorte, entre des hallebardes et des lances, comme une ambassade en pèlerinage !
    C’était le coup de grâce !
    Philippe de La Veyre n’en voulut pas voir davantage.
    Il tourna le dos à cette sombre et pathétique défaite qu’il venait d’essuyer, en se disant, plein d’amertume et de rancœur :
    Nos efforts acharnés sont bien mal récompensés.

Chapitre trois
    Où l’on voit que la démission d’un comédien de génie
peut épargner l’existence fragile d’un cardinal
    Le maître et le disciple
    Nos lecteurs ont besoin d’une petite explication.
    Cette explication à cette question : d’où vient la demande de libération écrite par Desdémone ? Nous allons la leur donner.
    Pour ce faire, il nous faut remonter les temps de quelques heures.
    Rien n’est impossible aux hommes de bonne volonté.
     
    Molière vient de quitter sa misérable défroque.
    Il n’en a plus l’usage et c’est de bon cœur qu’il l’abandonne (faute de pouvoir la jeter au feu) aux mains d’un miséreux réduit à accepter les plus viles aumônes.
    Oui, quelques instants plus tôt, il venait de remplir son engagement – cet engagement qu’il avait pris la veille avec l’aventurier don Juan de Tolède – en jouant pour lui et pour le gentilhomme Edmond de Villefranche un rôle jusqu’alors inexploré : celui du lépreux repentant. Un beau rôle, fort dramatique. Mais à dire vrai, en ayant accepté cette bourse que son employeur lui envoya d’une main leste, pour récompense de ses efforts, Molière ne ressentit point cette grande joie qui est d’ordinaire la sienne quand il vient de triompher, et qu’il peut, à la fin de la représentation, mesurer l’ampleur de son succès à l’aune des offrandes qu’il reçoit de toutes parts.
    Deux raisons à cela.
    La première, la plus superficielle, c’est qu’il n’était pas très content de lui. « J’en ai trop fait. J’ai eu trop peu de temps pour préparer cette intervention. C’est de l’argent qu’il faudra boire à grandes lampées. Il ne mérite pas qu’on en tire plus digne et plus profitable usage. »
    Diable, le fait est qu’il eût mieux aimé que la chose eût été traitée sur le registre comique.
    Alors, il aurait donné dans le sublime ! Hélas, les circonstances ne s’y prêtaient guère. Don Juan de Tolède l’avait suffisamment prévenu pour qu’il n’y ait point d’équivoque : C’est une affaire de vie ou de mort.
    Eh bien, pourvu que la mort, par sa faute, ne l’ait point emporté. Le comédien ne s’en remettrait pas.
    Nous l’avons dit : deux raisons expliquent son désappointement, mais pour prendre connaissance de cette deuxième explication, il nous faut suivre le comédien dans les rues de Paris. Oh, ce n’est que pour un court trajet. Nous voici promptement arrivés.
    Molière hésite à passer le porche de l’hostellerie. « Après tout, se dit-il, nous verrons bien. L’homme ayant pour habitude, comme il nous l’avoua, de ne pas fermer sa porte, il suffira de la pousser légèrement, et de voir s’il est endormi ou s’il veille à son bureau. »
    Cette réflexion faite, Molière franchit l’entrée de l’auberge, monte les escaliers, et se présente devant le logis du maître.
    Il pousse l’huis, il grince.
    — Entrez, dit une voix.
    Bon, il ne dort pas, tant mieux.
    — Ah, monsieur… Molière, je crois, dit François de Lyon en posant la plume et en se levant pour saluer le visiteur.
    — Autrefois nommé Jean-Baptiste Poquelin, il y a quelques jours à peine. Mais depuis tant de choses ont changé !
    Molière s’introduit dans l’humble pièce : une véritable cellule monacale. Tout est sur le pupitre : la chandelle, le verre de vin, la carafe, l’encrier, la plume, le papier, le cahier de cuir et la pipe de bois.
    Le reste est nu. Quelques chemises de toile blanche sont posées près du lit, la cape d’un rouge sombre et le feutre de même teinte sont suspendus près de la porte. L’unique fenêtreéclaire la table de travail. Aucun luxe, aucun confort dans ce lieu de passage et pourtant Molière y retrouve un peu de cette paix qui l’a quitté.
    Certains ateliers valent certaines chapelles. L’art est une prière, le poète un envoyé. François de Lyon ne dénote

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