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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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D’instinct, ils se jetèrent un rapide regard. Du même coup, ils se sentirent ennemis. Loraydan comprit que Léonor allait devenir l’obstacle à son bonheur d’amour… qu’elle allait se dresser entre Bérengère et lui ! Et Léonor comprit que jamais elle ne pourrait être la femme de cet homme ! Dans un éblouissant éclair qui, tout à coup, incendia son esprit, elle comprit… oui ! elle comprit que jamais elle ne pourrait aimer ni Loraydan ni tout autre… ah ! tout autre que celui à qui, dans ses heures d’angoisse ou de détresse, elle en appelait dans le secret de son cœur.
    Oui, tous deux comprirent qu’un abîme les séparait, dans la seconde même où ils comprirent le sens des impériales paroles, et pourquoi Charles-Quint, ayant parlé de mariage, venait de dire : « Approchez, Loraydan ! Approchez, Léonor !… »
    Le comte de Loraydan eut comme un mouvement de recul.
    Mais à son oreille, François I er glissa ces quelques mots :
    – Par le ciel, voici l’occasion, Loraydan ! Tu vas entrer dans la place !
    Et Loraydan frissonna dans tout son être. Avec l’incalculable rapidité que l’esprit acquiert aux minutes décisives de la vie, il établissait :
    – Refuser, c’est m’assurer la conquête de Bérengère. Oui, mais c’est m’assurer la haine du roi. Enfer ! Pour la conquête de la fortune, je dois tenter la conquête de la confiance de l’empereur : Accepter, c’est ma fortune faite à la cour… Damnation, c’est perdre Bérengère !…
    Et en calculant ainsi, Loraydan s’avança vers l’empereur ! Il s’avança, l’échine courbée, le visage respectueux… il s’avança après avoir murmuré au roi :
    – Sire, j’étais déjà fiancé. Mais périsse tout amour, soit brisé mon cœur ! La gloire de Votre Majesté passe avant ma vie même !
    Il s’avança !…
    Renonçait-il à Bérengère ?
    Non : simplement, il était décidé à se laisser faire, à se laisser porter par l’événement là où l’événement voudrait le pousser… politique qui a réussi à bien des gens réputés pour leur profonde science de la vie et des hommes.
    Nous avons dû noter la pensée qui se dressa dans l’esprit de Léonor et de Loraydan au moment où Charles-Quint leur ordonna d’approcher. En réalité, s’il y eut une hésitation chez ces deux personnages, elle ne put être remarquée, car tous deux obéirent dans l’instant même.
    L’empereur prit la main de Léonor, et dit :
    – Ma fille, le Commandeur d’Ulloa m’a désigné votre époux. « Le voici : un noble cœur, un esprit prompt et vif, un bras intrépide, un gentilhomme digne en tout de la fille de Sanche d’Ulloa : le comte Amauri de Loraydan. Prenez votre temps, ma fille : que demain, les funérailles du Commandeur se fassent avec toute la solennité nécessaire. Dans trois jours, avant mon départ de Paris, votre mariage se fera, et je m’en irai tranquille, ayant accompli le vœu de votre père, ayant confié votre bonheur à un loyal gentilhomme français… »
    Léonor pâlit.
    Elle s’inclina, se courba, et, d’une voix ferme :
    – Sire, dit-elle, je ne saurais trouver les paroles capables d’exprimer ma gratitude pour votre magnanime Majesté. Daignez pourtant me permettre de vous dire humblement le vœu de mon cœur.
    – Parlez sans crainte, mon enfant. Toute l’affection que j’avais pour mon brave compagnon, je veux la reporter entière sur ses enfants.
    Léonor demeura courbée, et parla avec cette fermeté sous laquelle se percevait une violente émotion :
    – Sire, en ce qui concerne les funérailles de mon père, je désire qu’elles se fassent en toute simplicité. Un sarcophage sera dressé dans la chapelle de cet hôtel. C’est là que reposera le Commandeur jusqu’au jour où je pourrai le faire transporter à Séville, où il prendra place dans le tombeau de nos aïeux, en la chapelle du couvent de Saint-François.
    – Votre volonté sera respectée, mon enfant. C’est donc à Séville qu’auront lieu les funérailles solennelles de votre père. Qu’en attendant ce jour, il soit déposé au tombeau provisoire que vous lui préparez en l’hôtel d’Arronces. Est-ce tout ?
    Léonor frissonna. Son sein se souleva. Une fugitive vision se dressa dans son imagination… et c’était un jeune cavalier qui hardiment se battait pour elle et qui, avec une sorte de timidité, lui demandait la permission de l’escorter, de la

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