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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Loraydan, j’ignorais par combien de gentilshommes Sa Majesté se ferait escorter. Si j’eusse prévu que l’honneur d’accompagner le roi reviendrait à messieurs d’Essé et de Sansac, je n’eusse fait disposer que trois places, car ces deux-là, sire, en valent douze.
    Cette flatterie qui avait pour but de désarmer l’envie haineuse que Loraydan devinait très bien chez Essé et Sansac alla tout droit au cœur du monarque qui murmura :
    – Oui, je sais choisir mes hommes : c’est une qualité nécessaire au bon gouvernement de la chose publique.
    – Tu t’oublies, Loraydan ! s’écria Sansac.
    – À toi seul, tu en vaux douze ! renchérit Essé.
    Il y eut assaut de galanteries et compliments que le roi écouta en souriant comme un bon maître heureux de voir ses gens se disputer le prix de fidélité.
    – Maintenant, dit alors François I er , nous avons à parler d’affaires d’État qui doivent demeurer secrètes. Assure-toi donc, Loraydan, que nulle oreille indiscrète ne peut surprendre le plan de bataille que nous avons à dresser contre notre jolie ennemie Bérengère.
    Loraydan pâlit de rage et d’effroi. Il lui sembla que le roi venait d’insulter celle qu’il aimait. Il lui sembla déjà voir Bérengère se débattre dans les bras du ravisseur.
    Mais, en un éclair, il revit le logis Turquand, la porte de fer, l’escalier secret…
    Il sortit. En lui-même, il grondait :
    – Au pis aller, elle a sur elle un poison foudroyant. Turquand me l’a dit. Turquand ne ment jamais ! Oui, oui ! Plutôt la voir morte que de la savoir entre les mains de ce roi félon !
    Hors de la salle, il se heurta à Brisard. Il grogna :
    – Tu écoutes, toi ?…
    – Non, monsieur. Vous m’avez défendu une fois pour toutes d’écouter aux portes. Alors, je n’écoute pas. Et puis vous savez bien que je suis sourd.
    – Tu es sourd ?
    – Oui, monsieur, je n’entends que quand c’est vous qui parlez.
    – Qui a apporté les candélabres, les flambeaux, dressé la table ?…
    – Messire Turquand.
    Loraydan demeura quelques instants silencieux. Puis il eut un mouvement pour rentrer dans la salle d’honneur. Mais, revenant sur Brisard, il le regarda dans les yeux :
    – Il n’est pas sorti, hein ?
    – Qui ça ? fit Brisard soudain pâli.
    – Le gentilhomme !…
    – Mais, dit Brisard, vous m’avez commandé de l’avoir vu sortir le jour où il est entré avec vous !
    – Oui. Tu dois dire cela, si quelqu’un te demande !
    – Je dirai la vérité, fit Brisard.
    – Misérable ! Veux-tu que je t’étrangle ? Serais-tu capable de soutenir que tu ne l’as pas vu sortir ?
    – Non, puisque j’ai vu sortir l’homme mort…
    – Tu l’as vu sortir ?
    – C’est la vérité. Il est sorti, je l’ai vu sortir comme je vous vois.
    Loraydan vacilla de terreur. Brisard était livide, s’attendant à être poignardé à l’instant, mais il demeurait impassible, machine à obéir qui ne se déclenchait que sur l’ordre du maître.
    Le comte de Loraydan s’élança : atteindre les salles qu’il avait parcourues avec Clother de Ponthus, parvenir à celle où il avait enfermé le jeune homme, constater qu’elle était ouverte ! vide ! ce fut pour lui l’affaire d’une minute.
    Il revint lentement. Des soupirs gonflaient sa poitrine. Il tremblait. Une étrange impression de froid sur l’échine le faisait frissonner, tandis que son front était en feu et que ses tempes battaient. En cette minute, il oublia le roi, il oublia Turquand, il oublia Bérengère !… il tremblait !…
    Loraydan était une bête de proie ; mais aussi, de la bête féroce avait-il les aptitudes de la nécessaire, de l’indispensable bravoure physique.
    Il se battait bien. Il savait risquer sa peau.
    Mais dans ce moment, Loraydan sut ce que c’est que la peur.
    La peur de la mort !
    La peur de Clother de Ponthus !
    Il songeait : Je suis perdu. J’ai voulu le tuer. Et il est vivant. C’est donc lui qui me tuera !
    Il retrouva Brisard à la place même où il l’avait laissé. Chose assez bizarre : il ne songea à lui faire aucun reproche. Les circonstances accessoires s’effaçaient devant l’énormité du fait. Et le fait était que Ponthus vivait… Oh ! il vivait pour quelque terrible vengeance !
    – Comment est-il sorti ? demanda Loraydan.
    – Dame ! fit Brisard, il est sorti par la porte.
    Brisard était innocent de toute velléité de plaisanterie. Il

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