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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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pour épouser la Mort… Silvia, chère Silvia, ma Silvia que tant j’adorai sous les bosquets de Grenade, fleur embaumée de mes amours de jadis, ô ma Silvia, qu’es-tu venue chercher ici ? Quelle cruelle vérité réclames-tu de moi ? Pourquoi me forces-tu à poser le masque ? Ah ! Silvia, ne sais-tu pas qu’il y a plus de mérite encore à feindre l’amour qu’à aimer vraiment ? Ma pitié pour toi était le dernier refuge de ton bonheur. Pour toi, en reconnaissance d’une heure de félicité, j’eusse fait ce sublime effort de te donner l’illusion de mon amour. Tu ne veux pas, Silvia ! Tu préfères l’affreuse vérité, pauvre ignorante du songe de la vie, insensée qui n’a pas compris que l’illusion, c’est la seule réalité possible !… Eh bien, sache-le donc puisque tu le veux : je ne t’aime plus ! Silvia, je ne t’aime pas ! Silvia, tu es morte pour moi !
    Don Juan haletait. Il lança dans un cri sauvage :
    – Léonor ! Léonor ! Léonor ! Où es-tu ! Où donc es-tu ?…
    Son cœur se tordait sous les puissantes étreintes de l’amour au paroxysme. Pour conquérir Léonor, en cette terrible minute, il eût chargé une armée. Lui, le raffiné d’esprit, lui qui, devant toute femme, s’était imposé la loi d’une suprême élégance d’attitude, il entrait dans la violence, dans la volonté de l’outrage, du seul outrage véritable qu’un homme puisse infliger à la femme qui l’aime :
    – Je ne t’aime pas ! Silvia, Silvia, écoute la clameur de mon être  : je ne t’aime pas !… Lumière du soleil dans mon cœur… j’aime Léonor d’Ulloa !… va-t’en, Silvia, va-t’en ! J’ai horreur de tes voiles de deuil, horreur de tes larmes, horreur de tes reproches ! Tu es la mort, et j’adore la vie ! Je veux vivre encore et me donner à l’amour, maître unique de ma flamboyante destinée… Va-t’en, épouse de Juan Tenorio ! Tu reviendras…
    Il se pencha sur Silvia courbée sous cette rafale :
    – Tu reviendras lorsque le Commandeur m’aura une bonne fois étouffé sous son étreinte. Et comme un trophée de ta misérable fidélité, tu emporteras mon corps où il n’y aura plus de vie, plus d’amour, plus de cœur !
    Sous la tempête de la passion déchaînée et grondante et rugissante comme, par les nuits de grand vent, sous les larges souffles invisibles grondent et rugissent les arbres de la forêt, l’épouse outragée, peu à peu, s’affaissait. En elle, la vengeresse n’était plus. Elle n’était que l’épouse… l’amante, la pauvre amante qui aime encore, ah ! qui aime de toute son âme fidèle et s’entend crier qu’elle n’est plus aimée…
    Aux derniers mots de Tenorio, elle était à genoux.
    Vers don Juan, elle tendit les bras, ses beaux bras, en un sublime geste par quoi elle sembla s’offrir, toute, en holocauste.
    Vers lui, elle leva ses yeux de douceur qu’emplissait l’extase mystique du pardon chrétien.
    Mais il demeura glacé, le regard perdu dans le vide… vers son rêve… et il n’y avait pas de dédain en son attitude, mais, chose plus terrible pour Silvia, de l’indifférence, rien que de l’indifférence.
    Pour elle, ce fut une de ces minutes qui enferment une éternité de douleur… toute la douleur. Ce fut une de ces secondes inoubliables à jamais, où la vie se disloque dans un être, où le cœur s’effondre, où la dernière flamme vacillante de la divine espérance, tout d’un coup, s’éteint.
    Don Juan, le regard rivé à son rêve, murmura :
    – Léonor ! Léonor ! Léonor ! Où es-tu ? Où donc es-tu ?…
    Et Silvia, lentement, se releva.
    Un instant encore, elle demeura devant l’époux pétrifié en sa mortelle indifférence. Peut-être voulut-elle parler, peut-être avait-elle des choses à dire… ses lèvres s’agitèrent, mais aucune parole n’en sortit… elle se retira.
    Ce fut à ce moment que don Juan, vers elle, ramena son regard.
    Il tressaillit. Un frisson l’agita. Ses mains s’unirent en geste de prière…
    Et Clother épouvanté l’entendit, oui l’entendit qui bégayait ceci :
    – Par le Dieu vivant, jamais tu ne fus aussi puissamment créatrice d’amour, Silvia ! Reste, oh ! reste ! Silvia, je t’aime… Silvia, c’est toi seule que j’adore !…
    Mais Silvia n’entendit pas…
    Elle s’effaça, comme dans la chapelle de Séville elle s’était effacée. Elle s’évanouit comme s’évanouit tout rêve d’amour ; elle

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