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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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méritez, certes.
    La veuve baissa les yeux, et soupira :
    – Denise est bonne fille. J’espère que, dans la grandeur, elle n’oubliera pas sa mère. Mais, monseigneur, comment croire à ce miracle ?
    – Miracle d’amour, ma bonne dame ! Ce sont les seuls miracles croyables.
    – Moi, veuve d’un simple drapier, je verrais ma fille épouse d’un illustre seigneur dont le nom… je ne le sais pas, mon Dieu ! Dire que je ne sais pas encore le nom du gentilhomme qui daigne épouser ma fille !
    – Mon nom ? fit don Juan. Je suis le seigneur Jacquemin de Corentin, comte breton… Connaissez-vous la Bretagne ? Corentin y est un nom célèbre.
     
    Oui, voilà ce que le bon Jacquemin Corentin eût entendu. Mais il montait sa faction devant la porte, entouré de cinq ou six gamins qui le contemplaient, et, pouffant de rire, se faisaient part de leur émerveillement.
    Une heure encore, le serviteur attendit.
    Et enfin, don Juan sortit du logis, tout radieux, et lui dit :
    – Jacquemin, tu es… c’est-à-dire, je suis bien heureux : on m’accorde l’adorable Denise, et dans trois jours, je l’épouse !
    Corentin, tout étourdi de cette nouvelle, s’écria :
    – Vous l’épousez ? Mais, monsieur, vous êtes déjà marié !
    – En Espagne, Jacquemin, en Espagne ! Cela ne compte pas en France !
    Ils s’étaient mis en marche, suivant le cours du populaire. Don Juan, railleur, l’œil vif, s’intéressant maintenant à cette foule pittoresque, admirant au passage mainte jolie fille et, parfois, s’arrêtant tout à coup, assombri, pâli soudain, pour murmurer :
    – Fou ! Triple fou que je suis ! Est-ce que j’espère oublier Léonor ? Oublier ? Ah ! misérable cœur, comme je t’arracherais de ma poitrine pour avoir ainsi blasphémé !…
    – Monsieur, disait Jacquemin perplexe, il est possible que vous ayez raison, vu que vous savez lire les livres, et que tel mariage espagnol vous laisse libre de contracter tel autre mariage français…
    – Eh bien, de quoi te plains-tu, en ce cas ?
    – Moi ? Je ne me plains pas… ce n’est pas moi qui me marie.
    – Oh… Tu vois bien !
    – Donc, monsieur, vous allez donner votre illustre nom – l’un des vingt-quatre de Séville – à la fille d’un drapier. J’ai connu son père quand j’étais marmiton à la Devinière. Il tenait boutique à l’enseigne des Ciseaux d’Or. C’était un homme gros et triste et qui voyait la vie en noir et disait que tout allait de mal en pis, vu que dame Dimanche le battait comme plâtre. Monsieur, j’ai remarqué une chose…
    – Dis toujours. Aujourd’hui, tu as droit de parler… à la veille de ton bonheur…
    – Mon bonheur ?…
    – Je veux dire le mien, bélître ! mais parle.
    – Eh bien, j’ai remarqué que les philosophes qui se plaignent toujours de la tristesse de la vie et soutiennent que l’existence humaine est des plus amères sont généralement cocus et battus…
    – Cocus ? Tu crois ?…
    – Et battus ! C’est ce qui leur fait voir le monde de travers. Pour en revenir à vos amours, vos nouvelles amours, qui eût dit au triste drapier qu’un jour sa fille porterait l’un des plus beaux noms d’Espagne !…
    – Hé ! fit don Juan. Où diable prends-tu que je veuille donner mon nom à ma jolie Denise ? Je l’aime assez pour l’épouser, mais pas au point de lui offrir mon nom !…
    Corentin s’arrêta net, tandis que son maître continuait d’avancer, et, tout ébahi de ce qu’il venait d’entendre, loucha anxieusement sur la pointe de son nez.
    – Mais, monsieur ! s’écria-t-il enfin, en France, quand on épouse, on donne son nom à sa femme !
    – Qu’est-ce qui lui prend, à ce godiche ? s’écria une belle fille qui reçut l’apostrophe en plein visage. Hohé, Martin ! En voilà un qui parle de m’épouser, qu’en penses-tu ?
    Martin, solide gaillard, s’avança très menaçant sur Corentin, et gronda :
    – Elle n’est pas pour ton nez, grand flandrin du diable !
    L’infortuné Corentin se hâta d’allonger ses échasses, rejoignit don Juan, et, tenace :
    – Monsieur, répéta-t-il, je vous jure que quand on se marie, en France, on donne son nom à sa femme qui a le droit de le porter toujours. Usage incommode pour vous, j’en conviens.
    Don Juan fixa un étrange regard sur Corentin, et prononça gravement :
    – Alors, toi, quand tu te maries, tu donnes ton nom à celle que tu

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