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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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s’en alla, brisée, comme dut jadis, parmi les décombres de Troie incendiée, s’en aller Andromaque après la mort d’Hector.
    Silvia regagna la chambre qu’elle occupait en l’auberge de la Devinière.
    Cette chambre attenait à celle de Léonor.
    La fille du Commandeur d’Ulloa, malgré les prières et les formelles assurances de dame Grégoire, avait refusé de se coucher. Assise dans un fauteuil près d’une table sur laquelle brûlait un flambeau de cire, un livre d’heures aux mains, elle songeait…
    Elle songeait à Christa, morte d’amour, tuée par le coup de foudre de la trahison… elle songeait à son père, à la terrible mission qu’elle s’était imposée, en fille impavide… elle cherchait les paroles qu’elle aurait à prononcer… et sous le dessin en relief de ses pensées, à son insu, se tissait la trame légère d’autres songeries… elle rêvait à des choses confuses qui se levaient dans son âme pure et dans les lointains de sa pensée imprécise, sur le crépuscule de sa douleur, elle croyait voir se lever une étoile inconnue, un astre d’espoir dont elle ignorait le nom…
    Comme elle songeait ainsi, dans la chambre proche, elle entendit une douce rumeur ininterrompue, pareille à un léger bruit de source ; et puis, parfois, soudain, des cris étouffés troublèrent le silence et la nuit, des plaintes étranges ; quelquefois, ce furent de violentes et brèves clameurs, comme des cris de bête qu’on égorge… puis le doux bruit de source reprenait sa monotone cantilène… le doux bruit de larmes que, par intervalles, dominait la rafale des sanglots.
    Là, quelqu’un épandait dans la nuit d’affreuses lamentations… quelqu’un se mourait sous les coups de l’absolu désespoir…
    Léonor se mit à genoux et pria.
    Elle pria le dieu d’amour et de pitié d’accorder à ce pauvre être la paix du cœur et l’oubli consolateur. Elle pria pour cette femme qui criait sa souffrance, parfois, comme crie la femme qui enfante parmi d’augustes douleurs…
    Et, soudain, en écoutant pleurer cette inconnue, Léonor se souvint des paroles d’Amarzyl, du médecin arabe penché sur la couche d’agonie de Christa :
    – Essayez, ah ! essayez de la faire pleurer… et peut-être sera-t-elle sauvée !
    Et elle songea que Christa n’avait pas pleuré, que la très pure Christa était morte de n’avoir pas voulu pleurer sa honte ! Et que les larmes, les larmes salvatrices, peut-être, sont le plus magnifique présent de la nature à la pauvre humanité… et que peut-être, ah ! peut-être, cette femme qui pleurait tant serait sauvée pour avoir tant pleuré…
    … Dans la grande salle à demi obscure, Clother de Ponthus et don Juan Tenorio ne s’étaient plus rapprochés l’un de l’autre.

XXI
 
LES FIANÇAILLES DE JACQUEMIN CORENTIN
    Lentement, la nuit s’écoula. Le jour, peu à peu, filtra dans la salle. Tout à coup, dans Paris, sonnèrent les cloches de toutes les églises en liesse, et les canons tonnèrent au Louvre, à l’Arsenal, à la Bastille-Saint-Antoine.
    Ponthus a dit plus tard que le premier coup de canon l’arracha heureusement à cette sorte de cauchemar éveillé qu’il venait de vivre, que ce fut en lui comme une résurrection, et que dans cette terrible nuit où pas un instant il n’avait perdu de vue son adversaire, où dans chaque seconde, son être se tendait pour bondir et tuer, si don Juan tentait de sortir, il avait compris dans sa plénitude et sa puissance le mot de son père : Conquête du bonheur.
    Et il songeait que, chose étrange, c’est ce même mot « conquête du bonheur » que don Juan, au cours de leur repas, avait employé en lui disant :
    – Conquête !… Oui, ceux qui vont au bonheur sont des conquérants !… Oui, le bonheur, c’est la chimère sur laquelle, surgis des rangs mornes d’une humanité résignée, ceux qui sont DES HOMMES se ruent, armés de courage et de ruse, armés de résolution, armés de volonté, décidés à s’offrir en enjeu suprême dans la bataille… Oui, pour étreindre la chimère, il faut la conquérir… elle ne cède qu’à la force du vouloir !… Oui, pour posséder le bonheur, il faut se battre, se battre, seigneur de Ponthus, risquer sa pensée, son cœur, son âme, sa vie… Ah ! se battre !
    Lorsqu’il fit jour, lorsque maître Grégoire eut rouvert portes et volets, Clother, suivi de Bel-Argent, monta au premier étage et s’arrêta devant

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