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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Turquand, sombre et pensif, avait surveillé de près ces allées et venues qui l’inquiétaient sourdement. Il s’était demandé avec angoisse pourquoi l’hôtel d’Arronces renaissait ainsi à une vie nouvelle. Par instinctive défiance et mesure de précaution, il avait ordonné à Bérengère de se confiner dans sa chambre. Embusqué derrière les vitraux coloriés d’une fenêtre, il avait vu enfin arriver une brillante cavalerie, et ses poings s’étaient serrés quand il avait vu le roi entrer dans l’hôtel. Et il avait grondé :
    – Nous verrons ce que compte faire Amauri de Loraydan. En tout cas, je veille, moi ! Je veillerai ! Et malheur au roi de France si jamais il ose…
    Le matin du I er janvier, donc, l’hôtel d’Arronces était prêt à recevoir son seigneur et maître, don Sanche d’Ulloa, Commandeur de Séville et Andalousie.
    C’est donc cette opulente salle d’honneur que François I er avait tenu à visiter lui-même. C’est là que nous transportons notre scène, au soir même de ce 1 er janvier 1540…
    Neuf heures tintèrent lentement au château du Temple.
    L’hôtel d’Arronces paraissait retombé à sa léthargie. Il était muet et noir, toutes fenêtres éteintes, toutes portes closes…
    Un grand silence pesait sur la demeure où avait aimé Agnès de Sennecour… où elle était morte… morte d’avoir été trompée.
    Devant la grille d’entrée, depuis plus de deux heures, une ombre immobile s’accotait aux barreaux de fer forgé.
    Le front dans la main, Clother de Ponthus songeait :
    – Que fait-elle ? Que s’est il passé entre elle et son père depuis la minute où, ce matin, ils sont entrés ici ?…
    Clother releva la tête ; il essaya de percer les ténèbres qui enveloppaient toutes choses. Mais, au fond de l’allée de tilleuls, il n’entrevit qu’une masse indistincte… l’hôtel silencieux qui gardait son secret.
    Le jeune gentilhomme eut un long soupir.
    Il se parlait à lui-même, tentant de sonder l’inconnu, d’entrevoir la vérité…
    – Le Commandeur, ce matin, m’a suivi jusqu’à la Devinière… Je l’ai conduit à la chambre de Léonor… Longtemps ils se sont regardés sans se rien dire… Et puis, ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre, ils se sont étreints en sanglotant… Alors, le vieux Commandeur a dit à Léonor : « Viens ma fille… » Et à moi : « Monsieur de Ponthus, veuillez nous guider jusqu’à l’hôtel d’Arronces… » Et j’ai marché devant eux jusqu’à cette grille… Et là, je les ai salués… Ils sont entrés en se tenant par la main… Oh ! depuis cette minute, comme tout est triste dans cet hôtel où ma mère a vécu !…
    Il tressaillit.
    – Ma mère ! Ô ma mère, qui êtes-vous ? Qui fûtes-vous ? Votre secret est là, dans la chapelle de cet hôtel… Quand pourrai-je entrer dans la chapelle ? Quand pourrai-je soulever la dalle qui m’est désignée ?… Oh ! Pourquoi pas ce soir même ? Pourquoi pas tout de suite ?…
    Un frémissement l’agita. Il fit quelques pas précipités de long en large. Mais bientôt il se calma.
    – Non ! fit-il avec fermeté. Je ne veux pas entrer ici en secret, la nuit, comme un voleur. C’est avec le consentement du Commandeur que je dois pénétrer dans la chapelle ! C’est en plein jour que je dois exhumer la cassette de fer qui contient le portrait et l’histoire de ma mère… et… et le nom… de mon père !… Ô mon père, qui êtes-vous ? Qui fûtes-vous ? De quel nom ai-je le droit de m’appeler parmi les hommes ?…
    Quelques minutes encore, Clother de Ponthus demeura là, contre cette grille, les yeux fixés sur l’indécise masse de cet hôtel sous le toit duquel respirait Léonor d’Ulloa…
    – Allons ! dit-il enfin. Demain, en plein jour, je viendrai… Allons !… à demain, hôtel d’Arronces !… À demain, ma mère !… À demain, Léonor !…
    Il s’arracha brusquement à cette contemplation, et, hâtivement, s’en alla vers son logis de la rue Saint-Denis… vers le sommeil qu’il devait en vain chercher.
    Lorsque Clother de Ponthus eut disparu dans les lointains du chemin de la Corderie, un homme qui, depuis longtemps, se tenait immobile dans la nuit, à dix pas de là, caché dans un renfoncement de la haie qui bordait le terrain des Enfants-Rouges, cet homme, disons-nous, s’approcha de la grille de l’hôtel d’Arronces.
    – La peste soit de ce digne gentilhomme !

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