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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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murmura-t-il. Ce Clother de Ponthus est obstiné. J’aurai du mal à m’en défaire. Mais, par le ciel, je suis encore plus obstiné que lui, moi ! La preuve, c’est que Ponthus s’en va, et que Juan Tenorio reste !
    Don Juan, d’un rapide coup d’œil, inspecta la grille, et sourit :
    – Un jeu d’enfant !… Par tous les diables, je saurai dès ce soir ce que Léonor a pu dire à son père !… Ce qu’elle a dit ?… Hé ! Ce n’est pas difficile à imaginer : l’adorable créature est venue tout exprès du fond des Espagnes pour me couvrir d’opprobre et demander au Commandeur de châtier mon crime…
    Il eut un rire silencieux, puis soudain s’assombrit et murmura :
    – L’étreinte du Commandeur !
    Il regarda autour de lui avec une sorte de farouche curiosité, comme s’il se fût attendu à voir surgir Silvia… l’épouse !… celle qui lui avait répété la nuit précédente :
    – Don Juan, tu le sais, ah ! tu sais sous quelle étreinte tu dois mourir !
    Mais tout demeura paisible dans le chemin désert.
    Un instant encore, il hésita… Puis, tout à coup, il se mit à escalader la grille ; en quelques secondes il se trouva dans le parc. Il l’avait dit : pour don Juan, une grille à franchir, c’était un jeu d’enfant.
    Le long de l’allée, d’arbre en arbre, avec la silencieuse, la sûre, la souple rapidité d’un voleur habitué aux expéditions nocturnes, don Juan se glissa. La feuille sèche qui se détachait faisait plus de bruit que lui en touchant le sol.
    À quelques pas du logis, Tenorio s’arrêta court et retint son souffle : quelqu’un, lentement, dans l’allée de tilleuls, marchait vers la maison. Don Juan l’entrevit, le devina plutôt dans la nuit noire. Et toute de suite il comprit que cette ombre de géant courbé sous le poids des pensées de malheur, c’était le Commandeur d’Ulloa.
    L’esprit surexcité de don Juan, en rapides éclairs successifs, évoquait les divers moyens possibles pour entrer dans le logis. Il ne discutait pas. Il n’examinait pas. L’une après l’autre, il rejetait les idées qui se présentaient et fuyaient. Il n’y avait plus en lui ni crainte, ni raisonnement, ni même audace : il était la bête à l’affût qui accomplit une fonction vitale. Lorsqu’il eut reconnu le Commandeur, il ne se dit pas qu’avec lui, derrière lui, il allait pouvoir pénétrer dans l’hôtel. Mais ce fut chose entendue, soudain convenue, – et il se mit à suivre don Sanche d’Ulloa.
    C’était de la folie, sans doute. Le Commandeur pouvait se retourner, le voir, le tuer d’un coup de dague comme un larron de nuit. Tout au moins, don Juan reconnu eût-il été obligé de renoncer à son dessein de pénétrer dans l’hôtel. Il ne se dit rien de tout cela. Impulsivement, presque sans précautions, ayant franchi les limites de l’audace, de l’impudence, il suivit pas à pas, et lorsque le Commandeur se mit à monter les degrés du perron, don Juan, derrière lui, monta !…
    Sanche d’Ulloa ne se retourna pas. Il vivait l’heure effrayante des cataclysmes d’âme.
    La lente et morne promenade sous les tilleuls, nu-tête dans les bises d’hiver, n’avait ni calmé ses nerfs tendus à se rompre, ni rafraîchi son front brûlant. Il était courbé comme si le poids de ses douleurs eût été infiniment lourd à porter. Don Juan n’avait pas de précautions à prendre : Sanche d’Ulloa ne l’eût entendu ni même peut-être vu… Sanche d’Ulloa n’entendait qu’une voix, celle de Christa demandant pardon. Il ne voyait qu’un fantôme, et c’était Christa… sa fille Christa qu’il maudissait… sa fille qu’il accusait d’avoir jeté l’infamie sur le nom d’Ulloa, en rapides et rauques accusations, toujours les mêmes… et parfois ses poings se crispaient comme s’il eût été prêt à la tuer, mais alors un terrible soupir gonflait sa poitrine, et tout s’affaissait en lui…
    Le Commandeur monta les degrés, et Juan Tenorio les monta derrière lui…
    Le Commandeur pénétra dans le large vestibule, et Juan Tenorio y entra après lui…
    Le vestibule était silencieux. Un seul flambeau l’éclairait tristement. Immobile et raide, un homme d’âge, vêtu de noir, s’y tenait… C’était l’intendant : il se courba lentement au passage du Commandeur. Cet intendant vit don Juan qui, le manteau sur le bras, marchait derrière Sanche d’Ulloa. Oui, il vit don Juan. Mais il le vit si

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