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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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aucun cas pour eux-mêmes. Quant à la tactique, les bandes étant organisées sur des bases plutôt civiles que militaires, et ne contenant aucune de ces unités divisionnaires qui forment comme des articulations nécessaires aux manœuvres, leurs mouvements sont réduits à peu près aux évolutions que nous avons citées plus haut. Le Polémarque est ordinairement instruit par ses espions de l'ordre de bataille projeté par l'ennemi; de concert avec ses principaux officiers, il arrête le sien en conséquence, et ordinairement les soldats suppléent aux lacunes par des décisions qu'ils se communiquent au moyen de passe-paroles. La disposition la plus commune consiste à mettre en première ligne les fusiliers et les escarmoucheurs rondeliers entremêlés de pelotons de cavalerie; ces troupes engagées, on fait avancer, successivement ou à la fois, des masses d'infanterie de plusieurs rangs de profondeur et disposées en trois corps de bataille, pendant que la cavalerie essaie de tourner l'ennemi. En général, le Polémarque se tient au centre, derrière ses timbaliers qui battent la charge, et contre lesquels se dirige le principal effort de l'ennemi; derrière le centre, on place ordinairement des troupes de réserve, prêtes à renforcer les lignes qui fléchissent. Quelquefois le Polémarque laisse ses timbales au centre, pour y figurer sa présence, et il prend la conduite de cette réserve dont la direction décide souvent de la victoire. Quelques Polémarques, désireux d'accomplir des prouesses personnelles, donnent la conduite des différents corps à leurs principaux officiers, et, accompagnés seulement de leurs comités ou commensaux intimes, vont combattre à une des ailes. Mais, durant la bataille, bien qu'il leur soit impossible, quelque poste qu'ils occupent, d'opposer aux urgences accidentelles une manœuvre improvisée de quelque importance, chefs et soldats désapprouvent une ardeur, qui, tout en témoignant de l'intrépidité de leur chef, met en péril sa sûreté.
    La bataille une fois bien engagée, les différents corps échappent complètement à la direction des chefs, qui ne combattent plus que pour leur compte personnel. Sans confiance dans la cohésion de leurs rangs, les bandes se désordonnent promptement, et leurs mouvements ne dépendent plus que de ces vertiges qui sillonnent les amas d'hommes. Aussi les paniques éclatent-elles fréquemment au milieu de ces collisions chaotiques, d'où la victoire surgit presque toujours d'une façon imprévue.
    Deux bandes s'acharneront quelquefois l'une contre l'autre dans une mêlée persistante, mais en général les batailles sont d'autant moins longues et sanglantes que les combattants sont plus nombreux. Quant aux combats entre petites troupes, ils sont quelquefois fort opiniâtres. Pendant notre séjour à Goudara, deux bandes de rondeliers, l'une de 163 hommes et l'autre de 206, en vinrent aux mains en Metcha sur une question de préséance insignifiante. La plus nombreuse fut battue: il n'en survécut que 38 hommes dont plusieurs blessés; des vainqueurs, il n'en resta que 76, dont plus de la moitié étaient aussi blessés. Le centenier qui commandait ces derniers fut tué; l'autre centenier survécut à ses blessures. Les paysans accourus en armes avaient tenté d'arrêter le combat; d'un commun accord, les combattants, quoique inférieurs en nombre, leur avaient couru sus, les avaient dispersés, puis ils avaient recommencé à s'entre-détruire. Le lendemain, en relevant les morts, on en trouva qui étreignaient encore leur dernier adversaire. Les vainqueurs attribuèrent leur victoire et l'acharnement du combat aux prouesses et surtout à la verve d'un des leurs, trouvère en réputation. Jamais ses inspirations n'avaient été aussi entraînantes, aussi heureuses; il y mourut; mais jusqu'au dernier soupir, il ne cessa d'électriser les deux troupes. Ses camarades étaient à jeun depuis la veille, et quelques-uns se plaignaient d'avoir soif. Voici une des dernières strophes qu'il leur chanta:
    «Ô frères, vous avez faim et soif! ô véritables fils de ma mère,
    »N'êtes-vous pas des oiseaux de proie? Allons, voilà les viandes ennemies!
    »Et moi, je serai votre écuyer tranchant! en avant!
    »Et, si l'hydromel vous manque, je vous donnerai mon sang à boire!»
    À la suite de combats importants, il est très-difficile d'arriver à une appréciation exacte du chiffre des pertes; les indigènes se contentent des termes peu

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