Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
ecclésiastiques touchent des rations et de modestes émoluments.
Vient ensuite le réglement des ordinaires et rations de ceux qu'on appelle mangeurs de la redevance. Cette catégorie est composée des commensaux du Dedjazmatch. Ce sont des réfugiés de marque, des vassaux disgraciés, ou des nobles venus d'autres provinces pour prendre du service ou obtenir des secours, ou enfin de braves cavaliers que le Dedjazmatch n'a pu pourvoir de fiefs, et qui se contentent provisoirement de rations pour les hommes de leur suite et espèrent, en partageant journellement la table de leur seigneur, gagner sa faveur. D'une année à une autre, tel commensal peut, sans transition, recevoir l'investiture d'un fief à trompettes. Il faut enfin pourvoir les parasites et les intrigants, qui, en tous pays, affluent autour de la puissance.
La Waïzoro Sahalou, qui gouvernait des fiefs étendus, soumettait à son mari la nomination annuelle d'un sénéchal de sa maison, de ses camérières intimes, ainsi que des eunuques qui la gardaient. Du reste, elle répartissait comme elle l'entendait les fiefs qui relevaient d'elle et nommait elle-même à tous les offices de sa maison nombreuse, qui, à l'exception de quelques fonctions purement militaires, était en tout semblable à celle du Dedjadj Guoscho.
Toutes ces fonctions, quoique ayant des attributions régulières, sont élastiques, au point qu'un chef de bande, un petit seigneur, même un simple cavalier qui se rend remarquable soit au Conseil, soit sur le champ de bataille, peut obtenir un crédit égal à celui du chef d'avant-garde ou du Grand Sénéchal.
Les forces directement disponibles d'un Dedjazmatch consistent dans ses diverses bandes de fusiliers, de rondeliers et de cavaliers commandés par ses Chalakas, la plus grande partie de l'armée étant formée de troupes qui n'obéissent qu'à leurs seigneurs respectifs. Tel Chalaka, par sa bravoure, ses largesses ou son habileté à entraîner les hommes, portera son contingent à 3 ou 4,000 combattants; le métalent de son successeur réduira cette même troupe à quelques centaines d'hommes sans entrain. Il est donc difficile de fixer l'effectif de ces bandes qui faisaient le fond de la maison du Dedjadj Guoscho; ainsi, je l'ai vu ranger en bataille une armée que j'estime à plus de 35,000 combattants, et, quelques mois après, les événements politiques et les désertions l'avaient réduite à environ 12,000 hommes. Les Chalakas de bandes, comme Cadoc brise-tête et Allain le pourfendeur, du temps de Philippe-Auguste, sont les fléaux des provinces et quelquefois même de leur maître. En campagne, leurs soldats, comme toute l'armée, vivent du butin; en temps de paix, ils reçoivent des rations, ou bien ils parcourent la province par sections pour y exercer le droit de logement et d'hébergement; les communes ou les seigneurs de fiefs se cotisent souvent pour acheter leur abstention et obtenir qu'ils aillent exercer un peu plus loin leur désastreux droit de gîte.
La première ambition de ces soudards est de grouper autour d'eux quelques compagnons ou quelques recrues personnelles, et de former ainsi un noyau que leur réputation de bravoure, d'audace et d'insouciante prodigalité peut augmenter jusqu'à les rendre imposants. Ils ne thésaurisent presque jamais et dépensent tout en largesses et en acquisition d'armes. En temps de paix, la rapacité de la soldatesque est contenue dans des bornes assez étroites; mais en temps de trouble ou de guerre, leurs exactions deviennent ruineuses pour tout ce qui n'est pas soldat. Telle bande de 5 à 600 hommes qui ne comptait qu'une quinzaine de cavaliers, après avoir parcouru le pays pour sa subsistance pendant quelques semaines seulement, rejoindra le camp avec une centaine de chevaux provenant des exactions qu'elle vient de commettre. Aussi, dans les temps de trève ou de paix, s'empresse-t-on de réduire leur effectif, si toutefois quelques centeniers n'ont pas prévenu cette mesure en passant au service de quelque Polémarque voisin, non sans avoir pillé, chemin faisant, les villages du maître qu'ils désertent.
Pour parer à ces inconvénients, le Dedjadj Guoscho s'était appliqué à former la bande des Eka-Bets de soldats d'élite natifs du Damote et du Gojam, et cette troupe fidèle contenait efficacement les velléités de désordre des autres bandes. Toutes ces bandes étaient la terreur des cultivateurs. Quelquefois une ou plusieurs communes prenaient les
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