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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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en faisaient des gorges chaudes; seule, la Waïzoro Manann, insensible aux quolibets, trouvait naturelle la conduite de son gendre, qu'elle affectionnait d'autant plus et défendait en toute occasion. Fort de cet appui, il était d'une arrogance insoutenable envers les grands vassaux. L'un d'eux, le Dedjadj Wollé, proche parent du Ras, ayant fait une allusion railleuse à sa naissance équivoque, il en résulta une altercation des plus vives. Les soldats épousèrent naturellement la querelle de leurs maîtres, et deux bandes se rencontrant un jour de marche, passèrent bientôt des injures aux coups de sabre; le vertige se communiqua comme par une traînée de poudre, et 12 à 14,000 hommes des deux partis se trouvèrent aux prises le long de la ligne de marche. Le Ras envoya des bandes pour étouffer le combat: elles furent culbutées et en partie dépouillées; puis on se battit jusqu'aux approches de la nuit. Birro Aligaz, prévenu par ses espions, accourut avec sa cavalerie, mais un peu trop tard pour profiter de ce désordre qui eût pu occasionner la perte du Ras. Le nombre de morts et de blessés était considérable. Le Dedjadj Wollé, ainsi que plusieurs hauts seigneurs dont les gens avaient été le plus maltraités, intentèrent une action en cour du Ras. La Waïzoro Manann trouva moyen de les faire débouter, et, comme pour justifier sa partialité, quelques jours après, son gendre, détaché avec d'autres chefs, à la poursuite de Birro Aligaz, parvint, grâce à la témérité de ses soldats, à s'emparer du rebelle, et il eut l'honneur de le remettre aux mains du Ras.
    L'heureux Fit-worari récompensa avec prodigalité et ostentation ceux de ses soldats qui s'étaient distingués dans ce combat, et, du même coup, ceux qui s'étaient signalés contre les gens du Dedjadj Wollé, ce qui ameuta de nouveau ses ennemis. Il ne parlait qu'avec emphase de son seigneur le Ras, le plus doux des suzerains, disait-il, mais le plus mal servi par ses grands vassaux. Sévère et hautain envers ces derniers, il se montrait caressant envers leurs soldats dont il devint l'idole. Les familiers du Ras, eux, l'avaient pris pour but de leurs médisances; seul, le Ras paraissait faire bon marché de lui et l'appelait toujours le dadais. Birro, du reste, affectait des incohérences de caractère et de maintien faites pour fourvoyer l'opinion publique et le jugement de son suzerain sur lui: un jour, plein d'attentions courtoises et de gaieté, le lendemain, distrait, irritable, taciturne; tantôt il se présentait attiffé et les vêtements parfumés comme une femme, tantôt, culotté inégalement, il se balançait en marchant, laissait traîner un pan de sa toge, pendiller un bout de sa ceinture, ou ballotter gauchement son sabre à son flanc.
    La campagne terminée, on rentra à Dabra Tabor. Birro Guoscho demanda son congé, mais le Ras l'ajournant sous divers prétextes, il se vit obligé de renvoyer en Enneufsé la meilleure partie de ses troupes qu'il ne pouvait nourrir à Dabra Tabor, et il leur adjoignit un certain nombre d'hommes d'élite qu'il avait détachés secrètement du service de plusieurs seigneurs du Ras.
    Ses ennemis attendaient ce moment pour le perdre avec plus de certitude: certains indices leur avaient fait croire que le Ras serait heureux que l'opinion publique vînt le contraindre à disgracier le favori de sa mère. En conséquence, ils attirèrent secrètement à Dabra Tabor plusieurs de ses vassaux qui avaient des plaintes à porter contre lui, ainsi que les chefs de plusieurs villages que ses troupes indisciplinées avaient maltraités en retournant à Enneufsé.
    La Waïzoro et son gendre furent instruits de ces menées, et Birro, bien moins rassuré que sa belle-mère, attendait avec anxiété qu'elles éclatassent, lorsqu'un nouvel incident, tout en compliquant sa position, contribua, pour le moment du moins, à le tirer d'embarras.
    Ses deux beaux-frères, les Dedjadjs Imam et Haïlo, l'ayant invité à les joindre sur le mail, où, avec 150 ou 200 de leurs cavaliers, ils se livraient au jeu de cannes, il saisit l'occasion de leur prouver que les cavaliers du Gojam n'étaient pas, comme ils le prétendaient, inférieurs à ceux du Bégamdir: il ordonna à ses gens de se munir de bambous longs et forts au lieu des légères cannes d'usage, et il parut bientôt à la tête d'environ 300 chevaux.
    Le Ras passionné pour ces exercices, apprenant qu'un jeu animé était engagé et que les

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