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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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écarlates traînantes jusqu'à terre, ouvraient la marche; puis deux files de cuisinières et de femmes de service portant des plats et des terrines de ragoûts bien lutées; ensuite le premier échanson, suivi d'une longue rangée de servantes courbées sous leurs jarres d'hydromel. Pendant ce défilé, les timbaliers au dehors battaient la berloque, et hâteurs et dépeceurs s'évertuaient à préparer la viande d'une quinzaine de bœufs qu'on venait d'abattre. Les porteuses d'hydromel s'accroupirent au bas-bout de la tente, les panetiers vidèrent les paniers devant le Prince et les principaux convives, et l'aumônier ayant dit le Benedicite , ils rompirent le pain, plongèrent leurs mains dans les ragoûts fumants et les ayant fait goûter par les cuisinières, les répandirent devant les convives. Le Prince et les principaux assistants ayant fait une collation chez eux, ne mangèrent que du bout des dents et pour la forme. L'écuyer tranchant répartit dans l'assemblée ses serviteurs chargés de grosses pièces crues, et prenant lui-même à deux mains la bosse entière d'un bœuf-bison, il la présenta au Prince et après lui, aux convives les plus réputés pour leur bravoure. Ce morceau d'honneur achevé, les assistants, qui avec un couteau, qui avec son sabre, se taillèrent des lopins dans les aloyaux, longes et surlonges, cuissiers, culottes et filets palpitants qu'on leur présentait; puis, on servit les carbonnades. Quelques retardataires s'acharnaient encore à dépouiller à belles dents des côtes de bœuf à demi noircies par le feu, lorsque le page présenta le bassin et l'aiguière au Prince, et ceux qui étaient près de lui le voilèrent respectueusement de leurs toges tandis qu'il se lavait. Pendant ce temps, l'échanson en chef, tenant haut le petit burillé (carafon) du Dedjazmatch, se frayait un passage; il présenta la boisson en s'inclinant, et son maître, avant de la porter à ses lèvres, lui en versa un peu dans le creux de la main pour qu'il la goutât en sa présence. On offrit également un burilé d'hydromel à l'Azzage Fanta; malgré sa dignité, la quatrième en importance, l'Azzage se tient debout au bas de la table, tant que dure le banquet qu'il surveille et dirige en sa qualité d'architriclin. Ce fut le signal de la distribution générale de l'hydromel; chacun selon sa naissance ou son rang, reçut des deux mains et en saluant de la tête, soit un burilé, soit un hanap en corne de bœuf ou de buffle; quelques-uns de ces hanaps étaient hauts d'une coudée. Les convives assis se reculèrent suffisamment pour laisser s'attabler ceux qui étaient restés debout derrière, et ceux-ci repus firent place à leur tour à plusieurs sections successives de soldats de la garde; ces intrépides mangeurs ne tardèrent pas à faire table nette, mais la chaleur devint gênante par suite de l'entassement de tant de monde.
Note 18: (retour) Les Engerras Assallafis ont seuls le droit de mettre la main au plat et en répartissent le contenu.
    Les mimes et les bouffons commencèrent leurs facéties; les poétesses, leurs longues tresses de cheveux leur ballant sur les joues, les veines du cou gonflées, effrontément appuyées sur les épaules des soldats, entonnèrent leurs vocalises stridentes, qu'elles terminaient par des distiques sur les plus braves combattants.
    On rappela à Monseigneur que deux notables, envoyés d'Ilma, étaient arrivés depuis le matin; il les fit introduire, les accueillit courtoisement et recommanda à l'échanson de veiller à ce qu'ils ne manquassent de rien. Il se fit un demi-silence, et deux trouvères, s'accompagnant de la guzla, chantèrent en langage relevé les victoires du maître et les prouesses de quelques-uns de ses familiers. Attila recevant les ambassadeurs romains à la fin d'un repas, deux Scythes s'avancèrent et célébrèrent les victoires de leur chef.
    Les têtes s'échauffaient de plus en plus, le bourdonnement des conversations allait croissant, lorsque soudain le silence se fit, les huissiers dégagèrent l'entrée, et nous vîmes sur la place un cavalier en tenue de combat qui parcourait ventre à terre une vaste arène formée par des rangs compactes de soldats. Il arrêta court au bas-bout de la table, et javelot et bouclier haut, il débita son bardit ou thème de guerre, qu'il interrompit plusieurs fois pour galoper autour de l'arène. Son cheval, échauffé à l'avance, revenait la bouche sanglante et pantelant, heurtait la table

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