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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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vis-à-vis de lui-même, et il était comédien consommé. Quelquefois, nous montions à cheval pour jouer au jeu de cannes; d'autres fois, le déjeuner ou le dîner se prolongeait des heures entières: on buvait, on causait, on écoutait les trouvères. Un dimanche, nous nous rendîmes à l'église de Findja.
    Depuis près d'un siècle, Findja servait de capitale aux Polémarques du Dambya, et les libéralités de plusieurs d'entre eux avaient enrichi son église et son clergé. C'était la première fois que le Dedjadj Birro s'y rendait. Il était monté sur une mule superbement caparaçonnée, et, dédaignant d'en tenir les rênes, il les avait confiées à deux piétons qui couraient de chaque côté de sa monture. Un long collier de riches amulettes était passé par dessus sa toge, d'une blancheur éclatante et traînant presque jusqu'à terre; il était coiffé d'un volumineux turban de mousseline et portait une pélerine blanche de peau de mouton, garnie en vermeil: les mèches de la toison, longues de plus d'une coudée, ondulaient gracieusement à ses moindres mouvements. À quelques pas derrière, se pressaient silencieusement tous ses notables; pour lui faire honneur, ils allaient bouclier au bras. Devant lui, son cheval Dempto , conduit à la main, se balançait sous la housse écarlate de sa selle. En tête, les timbaliers, gonfanon et parasol déployés, battaient la marche des grands jours. Une centaine de cavaliers, en tenue de combat, ouvraient la marche, fermée par six cents rondeliers d'élite.
    Tout le clergé de Findja vint à sa rencontre avec croix et images. À la porte de l'église, le Dedjazmatch mit lestement pied à terre, jeta sa pélerine à un soldat, et, se découvrant la poitrine, il se prosterna jusqu'à terre, avant même d'entrer dans la première enceinte, où stationnait une foule considérable. Là, drapant sa toge à la façon respectueuse, il s'adossa à un mur et reçut des mains du prieur un long bâton, en forme de béquille, qu'on trouve dans les principales églises et dont se servent les moines pour se soutenir debout durant leurs longues oraisons.
    Quand il entrait dans une église, c'était avec des marques exagérées de respect; mais si l'intérieur était désert, il se dépouillait de ses allures fastueuses, congédiait sa suite, à l'exception d'un ou deux favoris, et il semblait alors prier avec ferveur.
    L'office terminé, tout le clergé lui chanta un hymne en guez composé en son honneur. Ces démonstrations courtisanesques lui déplaisaient; mais, dans l'incertitude de ses affaires, il avait intérêt à se concilier les prêtres de cette paroisse influente. Il leur dit qu'il ne voulait gouverner que pour le bonheur du pays, et qu'ils eussent à le faire comprendre à tous. Le plus âgé s'avança, le bénit, et, conformément à l'usage, termina en récitant avec tout le monde un Pater et un Ave à son intention.
    Rentré ensuite au camp, au milieu des acclamations des habitants échelonnés sur notre route, et dans tout l'orgueil d'un haut pouvoir, Birro réunit ses chefs dans un long festin.
    Chaque jour, quelque ancien officier de Conefo ou de ses fils venait prendre service chez Birro, qui s'appliquait à se faire accepter par les notables du Dambya et à donner de lui une opinion plus favorable que celle qu'il avait laissée à la cour du Bégamdir; car, bien que brillante, la position que lui faisait notre victoire à Konzoula était encore précaire. Le Ras Ali, satisfait de la défaite de l'armée des fils de Conefo, ne voyait plus dans Birro qu'un instrument bon à briser désormais. Dans l'espoir de s'emparer de sa personne, il l'invitait à venir le trouver à Dabra-Tabor pour reprendre la Waïzoro Oubdar et s'entendre avec lui sur un plan de campagne contre Oubié, dont la vassalité nominale le fatiguait, disait-il. Birro, averti par des familiers du Ras, demandait encore quelques jours de délai, afin d'en finir avec les rebelles du Dambya, à la réduction desquels il procédait en effet, mais avec des ménagements calculés; et, d'intelligence avec la Waïzoro Manann, il suppliait qu'en attendant on lui envoyât sa jeune femme. Le Ras lui envoyait des cadeaux, et il les lui rendait avec usure; et, afin d'entretenir le dévouement de ses soldats, il fermait les yeux sur leur licence, leur donnait festins sur festins, pendant lesquels il dictait à ses trouvères des bouts-rimés relatifs à sa prochaine entrée en campagne contre Oubié,

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