Douze
d’importance que j’ai entrepris était à vos côtés, à toi, Vadim et Dimitri. Je place ma loyauté envers vous trois fois plus haut que toute autre et, par conséquent, je n’ai jamais pu transmettre des informations qui vous auraient directement mis en danger. Quant à l’image plus générale de l’état de nos armées, que j’ai communiquée, je doute que le moindre de mes renseignements ait été d’un grand secours.
J’écris cela non pas dans une tentative de m’exonérer ou de plaider pour une clémence qui pourrait peut-être m’aider à éviter mon exécution en tant que traître. Je vais tenter d’échapper à la mort par la fuite, mais non en reniant ce en quoi je crois vraiment. Je l’écris simplement dans l’espoir que, bien que tu puisses à juste titre me condamner à mort dans ton propre cœur, tu trouveras au moins quelque regret que les choses doivent se passer ainsi.
Toutefois, je n’aurai eu aucun scrupule me pressant de te dire la vérité à mon sujet si ce n’était le fait que tu dois très certainement déjà connaître l’entière vérité. C’est sur les circonstances dans lesquelles cette vérité a été révélée que je dois te donner tous les détails dont je peux me souvenir, avec l’espoir que ce que je te dis pourra d’une certaine façon contribuer à vaincre ces créatures ignobles, dont la guerre à l’humanité met sans ambiguïté en relief les querelles mesquines de nations mesquines.»
— Il était donc au courant à leur sujet, dis-je, à demi pour moi-même, à demi pour Dimitri, bien que j’en aie été convaincu presque depuis le début.
Dimitri ne répondit pas. Il s’assit, le dos au mur, reflétant presque la posture de la dépouille de Max. Tous deux étaient assis aux coins opposés du même mur, comme deux vilains écoliers à qui l’on a ordonné de se séparer. Ni l’un ni l’autre, pour des raisons très différentes, ne pouvait lever les yeux pour me regarder tandis que je continuais à lire.
« Lorsque nous sommes revenus à Moscou de Smolensk, je n’avais eu aucune occasion depuis plusieurs mois de faire le moindre rapport à mes supérieurs du camp français. (Au fait, lorsque tu verras Vadim, dis-lui que, dans l’armée française, je porte aussi le rang de major, il ne peut donc plus user de sa supériorité hiérarchique sur moi. Pour être honnête, je crois qu’ils gonflent le rang des agents simplement pour les flatter. J’espère que, malgré ce que je lui ai fait, Vadim sera capable de sourire à cela. Je sais que je n’ai pas le droit d’être désinvolte, mais je ne peux pas te dire à quel point j’ai envie de revivre ne serait-ce que cinq minutes de ces moments où nous nous asseyions près de la Moskova, buvions de la vodka et nous taquinions les uns les autres – mais où nous taquinions surtout Vadim.)
Notre retour à l’ouest avec les Opritchniki m’a donné une bonne occasion de repasser derrière les lignes françaises et de rapporter ce que je savais. Je cherchais la moindre occasion de me séparer d’Andreï, Simon et Iakov Alfeïinitch, mais il est apparu qu’ils étaient encore plus désireux de se débarrasser de moi que moi d’eux. La nuit même où nous sommes partis de Gzatsk – la dernière fois, de fait, que je t’ai vu –, d’abord un, puis deux, et enfin tous les trois avaient trouvé quelque excuse pour se séparer du reste du groupe et explorer seuls les environs.
Je tirai pleinement parti de la solitude et me rendis directement aux campements français, à l’ouest de la ville. Je leur ai dit tout ce que je savais – de nouveau, je dois t’en assurer, rien de notre travail personnel, pas même des Opritchniki, bien que sur ce dernier point j’aurais préféré l’avoir fait – et, après quelques heures de compte-rendu, je me vis gratifier du vin, de la nourriture et de la bonne compagnie dont bénéficie tout patriote qui a été si longtemps éloigné de ses camarades. Cela ne signifiait pas grand-chose pour moi. La nourriture n’est rien de plus que de la nourriture, et la compagnie n’était pas aussi bonne qu’autrefois.
C’était après le coucher du soleil, le soir du jour suivant, tandis que je me préparais à partir, que le camp où je me trouvais a été soudainement et férocement attaqué. Des cris fusaient de partout autour de nous dans les ténèbres. J’ai regardé à l’extérieur de la tente, dans laquelle je parlais avec trois autres
Weitere Kostenlose Bücher