Douze
autrefois choquant, mais ce n’était maintenant plus une nouveauté. Il y avait cependant une exception à cela : le bras d’Andreï. Je n’étais pas surpris que la chair et le sang d’un vampire soient si proches de ceux des humains qu’il était possible de trancher l’un de leurs membres. J’avais moi-même déjà constaté que je pouvais couper la tête d’Andreï. Et c’était exactement le problème. Lorsque j’avais détruit Andreï, ses deux bras avaient été intacts. D’une façon ou d’une autre, depuis sa confrontation avec Max, Andreï avait… récupéré.
Mais c’était une distraction mineure. Le pire dans la lettre de Maxime était ma condamnation. Lorsque j’avais parlé avec Max dans ce bâtiment même, toutes ces semaines auparavant, je ne lui avais laissé aucune chance de m’expliquer ce qu’il venait de me dire si clairement dans sa lettre. J’avais été si aveuglé par ma rage face à sa trahison de notre pays que je n’avais même jamais pris le temps d’envisager qu’il ait pu y avoir un sujet d’importance supérieure dont il avait à me parler. Je pouvais blâmer Max lui-même pour ne pas m’avoir forcé à l’écouter, et je pouvais blâmer les Opritchniki d’être arrivés pour couper court à notre conversation, mais j’étais le vrai coupable. Les Opritchniki étant présents, je n’aurais peut-être pas été en mesure de le sauver, mais au moins il aurait pu mourir en étant convaincu de ce qu’il voulait par-dessus tout savoir : que j’étais encore son ami.
Chapitre 22
Je jetai un coup d’œil vers Dimitri. Il s’était relevé et me regardait d’un air soupçonneux, se demandant s’il y avait un quelconque élément dans cette lettre qui pouvait faire pencher la balance de ma confiance en sa défaveur. Avec un instinct d’autodéfense, sa main se dirigea vers son épée.
— Ne t’inquiète pas, Dimitri. Il n’y a pas grand-chose là-dedans à ton sujet que je ne savais pas déjà.
Je parlai avec l’intention d’être plus méprisant que réconfortant. Il y avait quelques détails au sujet de l’implication de Dimitri qui n’avaient pas été clairs pour moi auparavant, quelques points qu’il avait déformés pour éviter de révéler la nature des Opritchniki, mais rien qui changeait sensiblement la nature de son attitude envers eux ou envers quoi que ce soit d’autre.
— C’était un ennemi de la Russie. Je savais cela. C’est pour cela qu’il est mort, plaida Dimitri.
— Tu es un patriote, Dimitri, lui dis-je, un patriote et rien de plus.
Nous trouvâmes quelques vieux outils derrière la hutte et, à nous deux, nous creusâmes une tombe pour notre camarade mort. Deux éclats de bois formèrent une simple croix pour marquer son lieu de repos final. Pour des raisons que je suis incapable d’expliquer – certainement pas à un niveau satisfaisant pour Max –, je pris ses lunettes avant que nous l’ayons mis en terre et les glissai dans ma poche. L’un des verres était brisé, sans aucun doute à cause d’un coup à la tête, mais l’autre était demeuré intact. Hormis, peut-être, les boutons de métal de sa veste et ses os anciens et non identifiables, elles étaient tout ce qui resterait de Maxime longtemps après que le reste de sa personne fut rongé par la terre dans laquelle nous l’avions inhumé. Je préférais qu’elles survivent entre les mains de quelqu’un qui se rappelait l’homme qui les avait autrefois portées.
Le soir était tombé et nous décidâmes ainsi de passer la nuit dans la hutte. Il faisait froid. Une fois que le soleil se fut couché, la température commença à plonger. Au plus froid durant les nuits de cette période, le thermomètre descendait sous zéro, et il était courant de découvrir une chape de neige sur le sol chaque matin, qui pouvait être transformée en tempête de neige lorsque le vent était violent. Nous allumâmes un feu dans le poêle, qui devait maintenir un certain confort tout au long de la nuit.
— La différence, cette fois, c’est que c’est mon pays, dit Dimitri, brisant le silence qui s’était abattu sur nous après que nous nous fûmes détournés de la tombe de notre ami.
— Ton pays ? demandai-je, ne parvenant pas à comprendre ce qu’il disait.
— Notre pays, manifestement, mais je voulais dire par opposition au leur – celui des Opritchniki – celui où je les ai rencontrés pour la première fois.
— Alors, ils se comportaient mieux
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