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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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d’octobre, lorsque je parvins finalement au village. Les tempêtes des derniers jours commençaient à se calmer, transformant le paysage tout entier en un désert blanc. Le croisement où je devais rencontrer Iouda ce soir-là était un peu au sud du village. Le soleil était déjà bas sur l’horizon au moment où j’inspectai l’endroit. Je pouvais déjà voir un étroit croissant de lune dans le ciel, et elle allait rejoindre avant peu son cousin rond et brillant de l’autre côté du monde.
    Comme je m’en souvenais, le carrefour était au sommet d’une petite colline. Au nord, les bâtiments du village étaient petits et distants. À l’est et à l’ouest, je pouvais voir les routes plus loin encore. Les champs entre les chemins étaient lisses, vierges et blancs. Toute personne tentant de s’approcher du croisement ne serait pas seulement entravée par la neige profonde, mais serait également vue longtemps avant d’avoir pu s’approcher un peu. La couverture la plus proche était au sud – un petit taillis d’arbres qui traversait la route à au moins une verste de là – c’était encore assez éloigné pour que toute tentative d’approche partant de là soit repérée longtemps à l’avance.
    Le carrefour lui-même était indiscernable. N’était visible qu’un gibet de fortune auquel était accroché le corps d’un homme pendu qui se balançait doucement. Le froid l’avait raidi et il était recouvert de neige, mais je n’eus besoin que de balayer un peu de la neige pour découvrir en dessous l’uniforme bleu foncé d’un capitaine d’infanterie français.
    Je retournai au village et m’attablai à l’unique hôtellerie, buvant de la vodka jusqu’à l’heure dite.
    — Si j’en juge par votre épée, vous êtes un militaire, déclara une voix provenant d’une table proche.
    Je me retournai. C’étaient juste deux paysans, qui s’ennuyaient l’un l’autre de leur conversation et cherchaient du changement. Celui qui avait parlé avait la quarantaine, avec de longs cheveux roux en désordre et des yeux verts injectés de sang. Son ami – ou peut-être son père – avait bien passé la soixantaine. Il ne lui restait guère de cheveux sur le crâne et encore moins de dents.
    — C’est exact, répondis-je brusquement.
    Mes pensées avaient été tournées avec bonheur vers l’image de Domnikiia, et j’étais irrité d’en être ainsi dérangé.
    — Un soldat un peu distrait, par contre, dit l’homme le plus vieux.
    — Que voulez-vous dire ? demandai-je.
    — Vous avez oublié votre uniforme et vous arrivez deux semaines trop tard pour la bataille, rit-il.
    — Vous savez… la bataille. À Maloïaroslavets, expliqua le premier homme, désireux d’entamer une conversation.
    Maloïaroslavets était le lieu de la première bataille entre les armées russe et française après que cette dernière eut quitté Moscou. Comme à Borodino, ç’avait été une confrontation dont la victoire tactique de Bonaparte avait contribué à sa défaite stratégique. Bien qu’ils soient victorieux, les Français avaient été repoussés vers le nord pour se replier vers l’ouest, le long de la route qu’ils avaient suivie lors de leur avancée ; une route dont ils avaient déjà asséché tout approvisionnement. La ville de Maloïaroslavets était presque à quarante verstes de Kourilovo, mais le conflit n’avait jamais été aussi proche, il n’était donc pas aberrant que cela devienne, pour les gens du coin, « la bataille ».
    — J’ai bien peur de ne pas m’y être battu, dis-je. Je n’ai pas combattu depuis la bataille de Borodino.
    — Eh bien, Bonaparte s’est probablement retiré, bien loin de Borodino, à l’heure qu’il est, rit le second homme. Peut-être que vous devriez retourner là-bas et revivre vos jours de gloire.
    C’étaient les hommes pour lesquels j’avais passé toute ma vie d’adulte à combattre. Ils n’avaient probablement jamais quitté ce village, n’étaient jamais sortis de l’oblast, et pourtant ils se permettaient de me critiquer pour ce qu’ils croyaient être ma lâcheté. « C’est la croix que doit porter chaque espion, entendis-je Vadim me dire en silence. Il ne reçoit jamais de lauriers, il doit porter ses médailles sous sa tunique. Et quel autre choix ont-ils ? » « Ce sont des serfs, intervint maintenant Max. S’ils ont combattu, c’était sur les ordres de leur maître. S’ils sont restés chez eux, c’était que

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