Douze
rien de cela n’était particulièrement horrible à mes yeux. Essuyant davantage de neige sur son corps nu, je vis, répété presque partout, ce que j’avais observé sur son visage. Outre les blessures habituelles à la gorge, les Opritchniki avaient été beaucoup plus loin avec cette victime.
Il y avait des morsures partout. Et pas simplement des traces de morsures. Des morceaux de chair manquaient, arrachés par les dents voraces des vampires. Ses joues manquaient toutes les deux, ainsi que certaines parties de sa gorge, de ses seins, de son ventre, de ses fesses, de ses cuisses et de ses mollets. Ils n’avaient pas été minutieux en la dévorant. Il restait encore beaucoup de chair. À son expression suppliciée, je ne pouvais imaginer qu’une seule raison pour laquelle ils avaient décidé d’arrêter de manger : son décès.
Chapitre 24
Les Opritchniki n’avaient pas eu longtemps pour capturer leur victime. Je les avais perdus de vue lorsque j’étais entré dans les bois, à peine vingt minutes plus tôt. La seule conclusion était qu’ils avaient rencontré la femme auparavant et qu’ils l’avaient laissée prisonnière dans la grange lorsqu’ils étaient venus à ma poursuite. Ils avaient même pu la trouver dans la ferme qui se trouvait là. Si elle était l’épouse du fermier, il devait alors aussi y avoir un fermier. Je me rappelai la voix russe que j’avais entendue à l’intérieur de la grange.
Je revins subrepticement vers la grange et scrutai à travers la fissure sur le côté de la porte. La scène à l’intérieur était plus qu’effroyable. Le fermier était au centre de la pièce. Ses poignets étaient liés par une longue corde qui avait été glissée au-dessus d’une poutre du plafond. Ses bras, tendus au-dessus sa tête, laissaient ses épaules presque déboîtées supporter son poids tout entier. Ses orteils effleuraient à peine le sol tandis que son corps oscillait d’un côté à l’autre. De tous les dispositifs que la torture médiévale avait inventés à l’Ouest, alors que catholiques et protestants tentaient chacun de rapprocher l’autre de Dieu, le supplice du chevalet était le plus notoirement efficace, mais les menottes étaient tout aussi douloureuses pour la victime et bien plus simples. Mais cela n’était que le premier niveau de souffrance que les Opritchniki avaient créé.
L’homme avait été dénudé jusqu’à la taille. Sa tête pendait mollement en arrière mais, de temps à autre, il tentait de la relever. Cela, et l’alternance de gémissements et de cris qui émanaient de sa gorge, m’indiquait qu’il était encore vivant. Plus important encore, il signifiait aux Opritchniki qu’il était vivant. Suivant ce qui pourrait être considéré comme un parallèle sexuel tordu, le plaisir des vampires venait non seulement des sensations qu’ils éprouvaient, mais aussi de la conscience de la douleur qu’ils infligeaient aux autres.
Étroitement regroupés autour du corps se tenaient trois des quatre Opritchniki. Eux aussi étaient nus au-dessus de la ceinture, leur appétit exigeant manifestement d’être satisfaits autant par le toucher que par le goût. Les trois en question étaient Piotr, Foma et Iakov Zevedaïinitch. Iouda se tenait un peu en retrait de l’action. Il était resté vêtu et je vis sur ses lèvres tachées de sang un sourire sadique qui partageait et méprisait simultanément la satisfaction des trois autres.
Iouda parla. Je ne pus pas comprendre ce qu’il disait, mais je pus deviner que cela s’adressait à Foma et que c’était sur le ton d’une suggestion plutôt que d’une instruction. Foma tourna la tête vers Iouda et lui adressa un sourire de contentement. Les deux autres observèrent Foma tandis qu’il levait la paume de la main droite de l’homme à sa bouche et qu’il mordait violemment dans la partie charnue à la base du majeur. L’homme hurla, non pas le cri strident de choc que j’aurais attendu, mais le mugissement faible et las d’un homme pour qui la douleur est devenue trop rapidement l’unique sensation subsistant. Les blessures que je pouvais voir sur son corps m’indiquaient que les Opritchniki avaient déjà largement assouvi leur appétit cette nuit-là.
Foma retira sa bouche de la main de l’homme et avala ce qu’il avait arraché avec l’exubérance que j’aurais pu afficher en avalant une huître pour impressionner une belle femme lors d’un dîner. Les autres
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