Douze
côté, courant de toutes mes forces jusqu’à ce qu’une dépression dans le sol, cachée sous la neige, me fasse trébucher et tomber. Je roulai rapidement sur le dos et vis la forme massive de Filipp s’avancer, menaçante, vers moi, les mâchoires grandes ouvertes en prévision de l’attaque.
Soudain, sa tête fut brusquement tirée en arrière et il s’arrêta. Il porta les mains à son cou. La poutre brisée à l’extrémité de la corde s’était fichée dans la neige comme une ancre. Enroulée autour du bois, la corde s’était tendue et Filipp ne pouvait pas avancer plus loin. Je rengainai mon sabre et, saisissant l’autre extrémité de la corde, je commençai à tirer. Plutôt que de se laisser traîner, Filipp se mit à trotter. Entre-temps, tout en tirant la corde, je me mis à taillader devant lui. Iouda hurlait des instructions à son camarade Opritchnik, mais Filipp n’était pas en mesure d’obéir. Lorsque son dos heurta le bois avec un bruit sourd, je serrai fortement la corde autour de sa poitrine et fis deux tours supplémentaires, le ligotant au poteau.
Prenant conscience du danger, Iouda progressa dans la neige. La corde ne retiendrait pas Filipp très longtemps, mais je n’avais pas l’intention de le laisser vivre. Je bondis sur lui avec ma dague, tirant violemment l’extrémité de la corde de sorte qu’il soit comprimé encore plus étroitement contre le poteau, ce qui me donnait l’avantage. La lame de bois fit une pause momentanée lorsqu’elle heurta son manteau, mais le tissu céda bientôt et je sentis la lame écarter ses côtes et pénétrer dans son cœur.
Je ne m’attardai pas sur son corps en décomposition, mais retirai la dague et me retournai pour faire face à Iouda. J’avais une chance en or de le détruire enfin. Le coup à son bras l’avait affaibli et il ne semblait pas d’humeur à combattre. Il s’éloigna de moi avec prudence. J’avais peu de temps pour réfléchir. La voiture n’était maintenant qu’à quelques secondes. Bien que je puisse prendre la vie de Iouda, ce serait au prix de la mienne. Je fis demi-tour et m’enfuis en direction du village.
La route recouverte de neige n’était pas aisée à parcourir. Une fois que j’aurais accumulé suffisamment de vitesse, maintenir celle-ci serait relativement faisable, mais tourner, m’arrêter ou même ralentir me ferait courir le risque de glisser et de chuter. Derrière moi, j’entendis la voiture s’arrêter. Ses occupants et Iouda échangèrent des cris, puis j’entendis le cliquetis des harnais et les roues se remettre à tourner. J’avais réussi à parcourir peut-être un dixième de verste dans le temps qu’il leur avait fallu pour se lancer à ma poursuite, mais ce n’était maintenant qu’une question de secondes avant qu’ils me rattrapent. Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule et je vis qu’ils étaient encore loin, mais qu’ils gagnaient du terrain. La silhouette sombre du cocher se tenait debout et droite contre le ciel, fouettant furieusement ses chevaux.
Je continuai à courir, plus rapide que je l’avais jamais été auparavant, mais je savais que la voiture serait bientôt sur moi. J’entendais le fracas de ses roues, en partie étouffé par la neige, se rapprocher de plus en plus. J’avais de la chance qu’ils aient choisi une voiture, et non une troïka ou toute forme de traîneau, qui aurait glissé plus vite, mais même ainsi ils étaient plus rapides que moi. Le fouet du cocher claquait encore et encore tandis qu’il exhortait ses chevaux à avancer dans ma direction. Ils s’approchèrent tant que je pus sentir leur souffle contre mon cou. J’étais certain que les Opritchniki avaient prévu de me rouler dessus et de m’écraser, jusqu’à ce que mort s’ensuive, dans la neige, sous les sabots et les roues, mais cela aurait été pour eux m’infliger une mort bien trop agréable.
Plutôt que de laisser les chevaux me piétiner, le cocher les dirigea de côté et maintint la voiture à mon niveau. Je regardai de nouveau par-dessus mon épaule et vis le cocher – c’était Foma – penché vers moi au-dessus de son siège, dans un équilibre précaire et me lorgnant comme une gargouille sur les flancs d’une cathédrale occidentale. Dans ses mains, il tenait son fouet de sorte que le cuir forme une longue boucle. Il la lança vers moi et je la sentis m’effleurer l’arrière de la tête. Il essayait de l’enrouler autour de
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