Douze
mon cou tel un lasso, afin de pouvoir me hisser à l’intérieur de la voiture à pleine vitesse.
Foma était presque à ma hauteur. Je courais au niveau des jambes arrière des chevaux. Je tirai mon sabre, sachant qu’il n’y avait pas grand-chose à faire pour lutter contre les Opritchniki, mais avec un espoir en tête. Je lacérai la jambe arrière de la bête qui galopait à côté de moi. Mon épée mordit profondément, juste au-dessus du jarret et, avec un hennissement de surprise, le pauvre animal boiteux s’arrêta immédiatement. Les deux malheureux chevaux continuèrent un temps à tracter la lourde voiture. Je perdis l’équilibre et tombai à terre, roulant sur le bas-côté de la route puis dans le champ adjacent.
Je me retournai pour voir ce qu’il était advenu de la voiture. Elle avait basculé sur un côté et s’immobilisa dans le fossé, de l’autre côté de la route. L’un des chevaux était allongé, immobile, sur la route ; l’autre était dans le fossé, essayant de se relever sous le poids de la voiture à laquelle il était encore harnaché. Foma avait été projeté et gisait, hébété, dans le champ au-delà. La porte latérale de la voiture, maintenant tournée vers le haut, s’ouvrit comme une trappe et Iouda émergea. Il se hissa à l’extérieur puis se pencha pour aider ceux qui demeuraient à l’intérieur.
Je les abandonnai à leur tâche et courus à travers le champ enneigé. Le bord du champ, délimité par une haie, n’était pas très éloigné. Une fois que je l’eus franchie et me fus dissimulé derrière, je me sentis suffisamment en sécurité pour me retourner et observer les Opritchniki. Dans ma longue-vue, je pouvais les voir essayer de redresser la voiture. Iouda jouait le rôle de superviseur, donnant à l’évidence des instructions aux trois autres, mais ne participant pas lui-même. Ils abandonnèrent rapidement l’idée et commencèrent à retirer de la voiture un certain nombre de bagages. Ils entreprirent alors résolument de se frayer un chemin à travers la neige, en direction du carrefour, Iouda serrant toujours son bras où je l’avais coupé.
Je les suivis discrètement, à distance. La lune s’était maintenant couchée et, par moments, il était presque impossible de les voir, mais ils se parlaient fort et avec colère et, même si je ne pouvais pas comprendre la signification de ce qu’ils disaient, c’était suffisant pour me permettre de savoir où ils étaient sans en avoir jamais une vue claire. Arrivés au croisement, ils firent une pause d’un moment. Observant aussi attentivement que je le pouvais, je ne parvins pas à voir le moindre signe de Filipp. Je n’avais pas eu l’occasion de m’assurer qu’il était mort, mais le fait est qu’il n’y avait aucune trace de son corps. Je me réjouis à l’idée de l’avoir effectivement tué. Piotr s’agenouilla dans la neige à côté du poteau où j’avais ligoté Filipp et il leva la main pour en examiner le contenu. J’en déduisis qu’il tenait la poussière caractéristique des restes terrestres d’un voordalak.
Ils dépassèrent le carrefour, empruntant la route par laquelle ils étaient venus. Je continuai à les suivre, bien que la neige dans les champs m’arrive à la taille par endroits et que mon pantalon soit maintenant froid et détrempé. Finalement, ils arrivèrent au taillis d’où la voiture avait émergé. Le contourner m’aurait conduit trop loin de la route, je devais donc couper à travers les bois pour rester suffisamment près d’eux. Tandis que les voix des Opritchniki avaient porté clairement sur les champs ouverts, une fois que nous fûmes parmi les arbres denses, elles devinrent étouffées et s’évanouirent rapidement. Le silence était total. Je savais que c’était par ici qu’ils avaient pris la route dans leur voiture en direction du carrefour ; par conséquent, s’ils s’arrêtaient et que je poursuivais parallèlement à la route, comme c’était le cas, je risquais de les dépasser et de perdre totalement leur trace.
Je changeai de direction, allant maintenant vers la route au lieu de lui rester parallèle. Dans les bois denses, il n’y avait pas la moindre lumière. En levant les yeux, je pouvais seulement distinguer les étoiles à travers le dais de branches qui, bien que dénudées, étaient couvertes d’assez de neige pour garantir que seules des lambeaux de ciel soient visibles. N’étant pas en mesure de
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