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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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seulement par l’armée russe, mais aussi par les paysans russes eux-mêmes qui vivaient dans ces villages. La politique de destruction qui avait été si efficace à Moscou avait été adoptée partout où l’armée de Bonaparte avait choisi de se rendre.
    Au-delà de Mojaïsk, un autre élément horrible commença à agrémenter le paysage, augmentant par paliers à chaque verste que je couvrais. Le plan d’origine de Bonaparte avait été de repartir par une route différente de celle par laquelle il était venu, en passant au sud de la route principale de Moscou à Smolensk. Mais, à Maloïaroslavets, la bataille d’où s’était enfui le capitaine français pendu au carrefour de Kourilovo, le général Koutouzov avait forcé Bonaparte à se détourner de cette route et à revenir au nord. Mojaïsk était l’emplacement où les Français avaient rejoint la route principale, et c’était là qu’apparaissaient les débris d’une armée en fuite.
    Des chevaux – rançais – gisaient au bord de la route, morts, par centaines. L’épuisement, la famine et le froid glacial pouvaient avoir été parfois responsables, mais bon nombre étaient tombés simplement à cause de l’ignorance ou de la paresse des forgerons français. Il manquait aux fers des chevaux les trois crampons qu’un forgeron russe aurait instinctivement ajoutés en hiver pour l’empêcher de glisser sur la glace. Une fois qu’un cheval avait perdu pied sur la route verglacée, il n’y avait pas grand-chose qu’il ou que son cavalier puissent faire pour le redresser. J’entendis plus tard dire que les soldats français affamés s’attaquaient à chaque cheval ayant trébuché, alors même qu’il luttait en vain pour reprendre pied, le réduisant en morceaux afin de se nourrir eux-mêmes. Seule une fraction des cadavres de chevaux avait bénéficié d’une miséricordieuse balle dans la tête.
    Même ainsi, les hommes succombaient au même environnement que leurs montures. La raison pour laquelle seuls les cadavres de chevaux, et non ceux des hommes, gisaient abandonnés dans la neige n’était probablement pas que les hommes étaient moins nombreux à mourir, mais que leurs camarades avaient fait quelque effort pour les enterrer. Tandis que leur voyage – et, comme je suivais leurs pas, le mien – se poursuivait, ils commencèrent à oublier de telles considérations. Les cadavres humains étaient de plus en plus fréquents aux côtés de ceux des chevaux tombés.
    Chaque fois que je passais devant un corps – que ce soit un homme ou un cheval –, un tourbillon d’oiseaux s’élançait dans l’air, effrayés par mon passage. Une fois que je l’avais franchi, ils revenaient picorer la chair qui restait. Rapidement après Mojaïsk, j’aperçus d’immenses cohortes de corbeaux volant en cercle à quelque distance devant moi. Si le chant des oiseaux peut annoncer l’espoir – le jour nouveau –, la vue de ceux-ci révèle trop souvent que la mort est proche. Je compris rapidement que je m’approchais du champ de bataille de Borodino. J’avais vu peu de chose du champ de bataille principal alors, bien que j’aie beaucoup entendu parler de ses horreurs par des survivants. Mais maintenant, tandis que je m’en approchais, presque trois mois plus tard, je vis de mes propres yeux, pour la première fois, à quel point les pertes avaient été lourdes.
    Il n’y avait pas eu un seul moment de répit – certainement pas pour mon pays – depuis cette bataille, et ainsi peu d’efforts avaient été réalisés pour dégager les morts ; du moins, peu d’efforts humains. Les chiens, les loups et les oiseaux charognards avaient pris ce qu’ils pouvaient parmi les milliers de corps, et pourtant les restes étaient encore assez nombreux pour révéler clairement l’endroit où chaque homme était tombé. La route traversait le champ de bataille sur environ huit verstes, et le village de Borodino lui-même à mi-parcours. De part et d’autre, les corps des victimes s’étendaient à perte de vue. Les Français, d’après ce que je pouvais constater, avaient au moins fait quelques tentatives pour inhumer leurs morts après la bataille, mais ils n’avaient pas été très minutieux ; bon nombre de ceux qui avaient été enterrés à la hâte avaient été par la suite déterrés par les fortes pluies. Il était impossible de chiffrer – peut-être par dégoût –, mais les carcasses se comptaient en dizaines de milliers.

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