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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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travers, dans un premier temps, la foule de blessés et d’auxiliaires qui seraient les derniers à passer le pont – s’ils y parvenaient – et, dans un second temps, l’infanterie grouillante qui attendait avec impatience son tour de traverser. Je détonnais ; toute idée d’uniforme avait été abandonnée par l’essentiel de la Grande Armée en faveur de vêtements plus pratiques – de tout vêtement – qui permettaient de se protéger du froid. Même ainsi, personne ne m’accorda la moindre attention.
    Lorsque je m’approchai des ponts eux-mêmes, je fus bousculé avec colère par quelques soldats qui croyaient que je tentais de passer devant eux ; il fut toutefois facile de les assurer que je n’essayais pas de traverser le pont mais simplement de le garder. Je rejoignis le groupe fermé des sentinelles agressives qui se tenaient à l’entrée du pont le plus étroit.
    — Qu’est-ce que tu as fait pour te retrouver posté ici ? demanda l’un deux.
    À l’évidence, cette tâche ingrate était attribuée comme une punition et non comme un honneur.
    — J’ai mal entendu un ordre, dis-je.
    — Beaucoup de soldats sont durs d’oreille aujourd’hui, dit-il en riant.
    Nous n’échangeâmes pas grand-chose d’autre. Il n’y avait rien à faire à part observer les files d’hommes qui se bousculaient pour passer sur le pont, les pousser au besoin lorsque le désordre devenait trop important. J’inspectai chaque visage, tout en essayant de garder un œil sur les hommes à cheval qui traversaient sur l’autre pont, mais il n’y avait aucun signe de Iouda. Qu’allais-je faire si je le voyais ? Je n’en étais pas certain. Le tuer sur-le-champ – un soldat français en tuant un autre, sans provocation apparente – m’assurerait sans doute une exécution instantanée. Même si j’avais volontairement pénétré au milieu d’une foule d’ennemis désespérés, je n’étais pas d’humeur suicidaire. La mort de Iouda était désormais une question secondaire pour moi. Ce que je voulais de lui était une certitude. Si j’avais de la chance, j’aurais l’occasion de le voir mourir ensuite, mais pour le moment je devais savoir, d’une façon ou d’une autre, ce qui s’était passé ce jour-là entre lui et Domnikiia.
    Je ne parvenais pas à trouver une autre solution pour le déterminer. Je pouvais le demander à Domnikiia elle-même, mais je ne croirais pas sa réponse ; du moins, pas si elle le niait. Je ne la croirais que si la réponse qu’elle me donnait était celle que je ne voulais pas entendre. Je pouvais retrouver l’homme avec qui elle prétendait avoir été cette nuit-là, mais, pour le bien de sa réputation, il nierait spontanément avoir jamais entendu parler d’elle. Iouda était l’unique autre personne qui savait à coup sûr. Il m’avait déjà dit que ç’avait été Domnikiia, mais il m’avait précédemment laissé croire que ce n’avait pas été le cas. J’étais prêt à aller jusqu’en enfer – et cet exode glacial m’en semblait étonnamment proche – pour obtenir de lui une réponse définitive.
    Cet après-midi-là, je me vis accorder un privilège inattendu, si c’est le mot approprié. Pour la seule et unique fois de mon existence, je vis Bonaparte lui-même, en chair et en os. Accompagné par la garde impériale, autrefois puissante, il traversa par le pont le plus large pour rejoindre la berge ouest de la rivière. Ce n’était pas l’homme que j’avais imaginé. L’image que j’avais de lui s’était constituée à partir de gravures et de peintures, et avait été alimentée par sa réputation. Il n’était pas surprenant qu’il ne soit pas aujourd’hui au meilleur de sa forme. Il était à la fois plus âgé et plus gros que tout ce que j’avais vu de lui. Son nez n’était pas aquilin, contrairement à ce qui était fréquemment représenté, mais d’une taille normale et avec une bosse légère, à peine visible. Ses cheveux n’étaient pas noirs, mais d’un blond-roux foncé. Je me demandai si les images que j’avais vues de son impératrice, Marie-Louise, étaient aussi inexactes et si Domnikiia lui ressemblait en fait un tant soit peu. Bien qu’il tente de chevaucher bien droit, il avait une tendance à s’affaler sur sa selle. Sa bouche affichait la grimace d’un homme dans la douleur. Malgré tout cela, ses yeux bleus brûlaient encore avec fureur. Était-ce ce regard exprimant le désir intense de conquête qui

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