Douze
guerriers » de la péninsule espagnole, qui avaient harcelé les troupes de Bonaparte pendant des années sans jamais se constituer en armée organisée. (Bien que la réjouissante nouvelle ne nous soit pas encore parvenue, la marée en Espagne s’était enfin retournée contre Bonaparte. Depuis quelques jours seulement, Wellington occupait Madrid.) Nous avions étudié les cartes de l’ensemble de la zone où nous pensions avoir à opérer, étant de toute façon déjà familiarisés avec l’essentiel de la région. Nous choisîmes de petits villages, des caractéristiques géographiques ainsi que des bâtiments isolés, et nous en fîmes une longue liste, affectant à chacun d’eux une combinaison unique constituée d’une lettre et d’un chiffre. Ainsi, toute rencontre de notre choix pouvait être décrite simplement par une date, une heure et le code de l’emplacement. Il suffisait de quatre informations tout juste : heure, jour, mois et lieu.
Si l’un d’entre nous parvenait à un lieu de rendez-vous, il pouvait tout simplement laisser un message gravé dans un tronc d’arbre ou griffonné à la craie sur un mur, indiquant la date de son passage, et un autre spécifiant l’endroit où devait se tenir la prochaine rencontre. Chaque message serait signé par l’initiale de son auteur. S’il était nécessaire de fournir de plus amples renseignements, il était possible de cacher une lettre. Le caractèreΠ – pour pismo – indiquerait la présence d’une telle missive.
Nous avions choisi des lieux de rencontre aussi éloignés qu’Orcha, Toula et Vladimir mais, même dans la ville de Moscou, bien que nous espérions que les Français ne parviennent pas aussi loin, nous avions fixé des dizaines d’emplacements. Une fois que les Opritchniki furent arrivés, nous leur avions également fourni des copies de la liste.
Ainsi, le message de Max m’indiquait qu’il était venu ici, mais ne me disait pas où il s’était rendu. Il n’y avait aucun signe de lui à présent. Il pouvait avoir continué ou il pouvait revenir ; par ailleurs, Dimitri et Vadim pouvaient encore se montrer, et j’attendis donc.
Vadim arriva le premier et Dimitri peu de temps après. Ils avaient été plus chanceux que moi pour ce qui était de conserver leurs chevaux et ils étaient donc tous deux moins fatigués. Je leur montrai le message de Max et leur racontai brièvement mes aventures depuis notre dernière rencontre. Vadim y retrouva beaucoup de choses familières.
— Eh bien, au moins tu en as vu plus des tiens que moi de mon propre groupe, dit-il. Je me suis réveillé après notre première nuit de campement et ils avaient tout simplement disparu.
— Qu’est-il advenu de leur «Nous dormons le jour et tuons la nuit» ? demandai-je en imitant – mal – l’accent de Piotr.
— J’ai cru que j’étais parvenu à les en dissuader, au moins jusqu’à ce que nous soyons parvenus à proximité de l’ennemi, répondit Vadim, mais je suppose qu’ils se sont joués de moi tout du long. Ils sont probablement partis au moment où mes yeux se sont fermés.
— Et qu’as-tu donc fait depuis ?
— Rien de très profitable. Garder un œil sur les Français. J’aurais tout aussi bien pu rentrer à Moscou, pour l’utilité que j’ai eue.
— Et où en sont effectivement les Français ? demanda Dimitri.
— Fins prêts pour une grande bataille demain, aux environs d’un village nommé Borodino, juste au sud-est d’ici.
Il déplia une carte et nous le montra.
— Et nous allons les affronter ? demandai-je.
— On dirait bien. Tout ceci est l’idée de Koutouzov.
— Allons-nous gagner ?
Vadim haussa les épaules.
— Si nous vainquons, cela les arrêtera. Sinon… eh bien, nous devions faire front d’une façon ou d’une autre, avant qu’ils atteignent Moscou.
— Et toi, Dimitri ? le questionnai-je. Combien de temps tes Opritchniki ont-ils attendu avant de prendre la tangente ?
— Ils n’ont rien fait de tel, répliqua-t-il. Je veux dire, ils s’en vont et font ce qu’ils ont à faire, mais ils sont restés en contact avec moi. Je sais où ils sont en ce moment même, par exemple. Ils préparent une embuscade sur l’une des routes que les Français utilisent pour amener davantage de troupes. Ce n’est pas loin d’ici.
Nos expressions durent trahir notre scepticisme.
— Je vais vous montrer, insista-t-il.
Dimitri nous conduisit au sud, à pied, près des lignes françaises,
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