Douze
Français, mais je connaissais mon devoir. Vadim et moi entreprîmes de revêtir les uniformes français qu’il nous avait fournis, nous préparant à pénétrer profondément en territoire ennemi.
Chapitre 5
— Alors, de quoi ai-je l’air ? demandai-je à Vadim tout en boutonnant mon nouvel uniforme. Tu crois que je suis acceptable ?
— En français à partir de maintenant, s’il te plaît.
Sa réponse était, de façon quelque peu hypocrite, en russe. Je répétai ma question, cette fois en français.
— Je pense que oui, répondit-il, changeant enfin de langue lui-même. Même s’il y a beaucoup de taches de sang sur ta veste.
— Sur la tienne aussi.
Autour du cou, les taches étaient quasiment invisibles sur le rouge du col, mais, sur le bleu de la veste, elles étaient plus faciles à voir. Les uniformes eux-mêmes n’avaient pas été endommagés, nous ne pûmes trouver aucun trou ou déchirure.
— Nous inventerons simplement une histoire quelconque sur un camarade mourant dans nos bras, suggéra Vadim.
Je tentai de rire, mais le souvenir de l’origine effective de ces vêtements était trop proche et trop réel.
Nous partîmes en direction du camp français, avançant à grandes enjambées, sans vraiment nous préoccuper de l’endroit exact où nous allions ou même des informations que nous tentions de découvrir. Pour moi, du moins, l’objectif de la mission était de faire mes preuves une nouvelle fois en tant que soldat et en tant qu’homme.
— C’est un miracle que Piotr soit parvenu à récupérer deux uniformes intacts, dit Vadim.
Je frémis en prenant conscience de l’étreinte de l’uniforme froid, qui avait été si récemment le linceul d’un cadavre.
— Le Miracle peu connu des Uniformes Français ? plaisantai-je.
— Il est vraiment nommé d’après un saint.
Nous nous détendîmes un peu et forçâmes l’allure.
— Tu crois donc qu’il peut marcher sur l’eau ?
— J’aimerais bien le voir essayer, marmonna Vadim.
— Naturellement, la Bible se trompe ici.
C’était la voix de Max, me revenant à l’esprit. Nous avions eu une conversation des années auparavant, sur ce même sujet de saint Pierre marchant sur la mer de Galilée.
— Je croyais que, pour toi, la Bible se trompait partout, lui avais-je dit.
— Pas partout. Elle comporte beaucoup de bonnes choses, mais c’est juste un stratagème pour tromper les gens en leur faisant croire que tout y est bon. C’est une vieille astuce. Le meilleur endroit pour cacher un arbre est une forêt. Le meilleur endroit pour cacher un mensonge est une forêt de vérités.
— Et comment pouvons-nous distinguer le vrai du faux ? lui avais-je demandé.
— Demande à un prêtre.
Je l’avais dévisagé, stupéfait. Il avait éclaté de rire.
— Ou tu peux me le demander à moi, avait-il poursuivi, ou essayer de le découvrir par toi-même.
— On dirait que cela requiert un gros effort. Et puisque, de toute évidence, tu connais déjà la réponse, je me tournerai vers toi.
— À propos de saint Pierre ? avait-il vérifié.
J’avais hoché la tête.
— Eh bien, avait-il expliqué, le message qu’ils tentaient de faire passer concernait la foi. Pierre entreprend de marcher sur l’eau, il s’y promène un peu, puis il perd la foi et coule. Mais l’idée doit être que la foi est ce qui donne à Pierre la confiance de faire le premier pas sur l’eau, et non ce qui le soutient une fois qu’il est dessus : c’est Dieu qui s’en charge. C’est la foi qui lui a permis de croire en Dieu. Mais lorsqu’il perd la foi, Dieu sera toujours là pour le soutenir, une fois qu’il a accompli ce premier pas sur l’eau.
» C’est censé nous dire de placer notre foi dans le Dieu invisible mais, au lieu de cela, parce que Pierre commence à couler, cela présente simplement la foi comme une sorte de charabia magique.
— Donc tu crois que Dieu a soutenu Pierre sur l’eau ? lui avais-je demandé avec une incrédulité feinte.
— Non, bien sûr que non. Je veux dire que cette histoire parle de la foi, pas de Dieu. La partie sur la foi est la pépite de vérité, et les gens se font duper au point de croire aussi la partie divine.
C’était une chance que nous ayons été seuls. Max aurait fort bien pu s’en tirer en disant cela en Angleterre ou en France sans être inquiété, mais pas ici en Russie.
— La foi est la partie intéressante pourtant, avait-il poursuivi. La foi est ce qui permet
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