Douze
soldat français déguisé en soldat russe – un infiltré et un espion, et qu’il devait pour cela être arrêté et exécuté. Mais je ne m’étais pas senti trahi personnellement comme ç’avait été le cas avec Max. Il m’apparut clairement de nouveau qu’il n’y avait aucun cheminement de pensée que je pouvais suivre qui n’aboutisse, en fin de compte, à Max.
— Alexeï !
La voix de Vadim était pleine d’enthousiasme, et il me saisit dans une étreinte chaleureuse que je rendis avec gratitude. Cela faisait deux longues journées que je l’avais vu. Dimitri se tenait à côté de nous. Il n’avait peut-être jamais montré son affection de cette manière en des moments meilleurs mais, ce jour-là, il était circonspect. Nous nous évaluâmes l’un l’autre silencieusement ; lui, essayant de déterminer ce que je savais exactement ; moi, tentant d’identifier mes véritables sentiments à son égard. Au fond, il n’était que Dimitri – le même Dimitri que je connaissais depuis des années ; un peu distant, parfois égoïste, parfois aveugle, mais fondamentalement fiable. Je dus me rappeler qu’il avait envoyé les Opritchniki à ma poursuite à Desna et que c’était pour cela que Max était mort ou, du moins, mort prématurément et moins convenablement que prévu. J’avais maintenant de nombreuses preuves de la façon dont les Opritchniki travaillaient. Je n’avais que peu d’espoir qu’ils aient traité Max différemment. Je dus me rappeler que c’était Dimitri qui avait meurtri et ensanglanté Domnikiia afin d’obtenir les informations qu’ils ne pouvaient me soutirer. Comme nous parlions, je laissai les souvenirs et les images de Max et Domnikiia affluer en moi comme une marée montante de venin dont je savais que j’aurais besoin si je comptais entreprendre quoi que ce soit à son encontre.
— Alors, où est Max ? demanda Vadim.
— Pourquoi ne lui demandes-tu pas à lui ? répondis-je en faisant un signe de tête en direction de Dimitri.
— Non, Alexeï, déclara Vadim sévèrement, devinant qu’il était nécessaire de maintenir l’ordre. Je te le demande à toi.
— Je suis allé à Desna – c’est là que Max s’était rendu – et je l’y ai trouvé. (Tout du long, j’observais Dimitri, essayant d’évaluer sa réaction à chacune de mes paroles, recherchant quelque chose qui pourrait m’aider à le haïr.) Nous avons parlé un moment.
— A-t-il avoué ? demanda Vadim.
Et ceci était, bien entendu, la réalité. Quelle que soit la force avec laquelle je pouvais déplorer l’injustice de ce qui s’était produit, il n’y avait aucun doute quant à sa culpabilité.
— Oui, il a avoué. Tu connais Maxime. Il ne perdrait pas de temps à mentir sur quelque chose que nous savons déjà.
— Était-il honteux ? repentant ?
Vadim voyait bien que mon récit ne serait pas totalement sincère.
— Non. (J’aurais pu sourire au souvenir de la cohérence de Max, mais je savais que je ne pouvais me permettre la moindre complaisance qui risquait d’affaiblir ma détermination vis-à-vis de Dimitri.) Pour lui, c’était simplement la conclusion logique d’un long raisonnement. Pour le détourner de ce chemin, il aurait fallu le dissuader de croire que deux et deux font quatre.
— Alors où est-il, Alexeï ? (Vadim était maintenant ouvertement soupçonneux.) Je comprends qu’il n’aurait pas été judicieux de le ramener ici à Moscou. Es-tu parvenu à trouver quelque prison pour le prendre ?
— Non, Vadim. Il est encore à Desna. Il y restera toujours.
— Encore à Desna ? (Il saisit alors.) Alexeï, tu ne l’as pas… ?
— Non, Vadim, pas moi . (Ma voix se durcit et je me mis à tourner autour d’eux jusqu’à ce que je me retrouve derrière Dimitri.) Mais Max et moi ne sommes pas restés seuls longtemps, n’est-ce pas, Dimitri Fétioukovitch ? Rapidement, tes amis les Opritchniki ont débarqué, n’est-ce pas ? et ils voulaient exercer leur vengeance eux-mêmes. Et comment ont-ils su où nous nous trouvions ? (À ce stade, je hurlais dans l’oreille de Dimitri.) Parce que Dimitri Fétioukovitch le leur a dit. Et comment savait-il ? Parce qu’il a brutalisé une pauvre femme pour la forcer à le lui dire. Et les Opritchniki ont donc très clairement indiqué que je devais leur laisser Max sous peine de ne pas pouvoir repartir moi-même. Et je suis donc parti… non pas pour sauver ma propre peau, mais pour me donner une chance de
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