Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
Vom Netzwerk:
maître l’aimait beaucoup.
    — Qu’entends-tu par là ?
    Chrestus prit à son tour la parole, lui qui était sensible
et avait pleuré. Mais sa voix était sans timbre, étouffée, elle avait perdu
toute flamme.
    — Tu as mentionné la Maison aux Cygnes, tu sais donc d’où
venait Elena. C’est là que notre maître l’a trouvée. Elle était différente des
autres, du moins le pensait-il. Cela nous étonnait qu’il l’ait laissée là-bas
si longtemps. Il hésitait, on aurait dit qu’il choisissait une épouse. Cela
changerait-il vraiment sa vie s’il l’amenait chez lui, vu son âge ? Il ne
savait pas exactement ce qu’il souhaitait. Il avait fini par se décider à l’acheter,
mais le tenancier du lupanar était dur en affaires. Il ne cessait d’atermoyer
et de changer son prix. Notre maître était au désespoir. Cette nuit-là, il n’est
pas resté à la réception de Cæcilia Metella, parce qu’il avait reçu un message
d’Elena.
    — Savait-il qu’elle était enceinte ? Et vous ?
    Ils se regardèrent d’un air pensif.
    — Nous ne le savions pas à ce moment-là, dit Chrestus,
mais ce ne fut pas difficile à deviner plus tard.
    — Quand on l’a emmenée chez Capito ?
    — Ah ! Tu es aussi au courant de cela. Alors
peut-être sais-tu ce qu’ils lui ont fait la nuit de son arrivée. Ils ont essayé
de lui rompre les os. Ils ont essayé de tuer l’enfant qu’elle portait en son
sein, mais ils ne voulaient pas la faire véritablement avorter, Capito pensait
que ce serait outrager les dieux. C’est inimaginable de la part d’un homme dont
les mains avaient si souvent trempé dans le sang ! Il craignait ceux qui n’étaient
pas encore nés et les fantômes de ceux qui étaient morts, mais cela ne le
dérangeait pas d’étrangler les vivants.
    — Et Elena ?
    — Ils ne sont pas parvenus à briser sa volonté. Elle a
survécu. Ils la tenaient à l’écart des autres esclaves, comme ils le font avec
nous ici, mais j’ai réussi à lui parler plusieurs fois, assez souvent pour qu’à
la fin, elle se confie à moi. Elle n’a jamais envoyé le message qui a incité
notre maître à sortir dans les rues, cette nuit-là. Elle me l’a juré. Je ne
sais pas si je dois la croire. Elle a aussi juré que l’enfant était de lui.
    J’entendis un frôlement par terre, derrière moi. Je saisis
mon couteau, juste à temps pour apercevoir la longue queue d’un rat qui se
faufilait entre deux tapis roulés, empilés contre le mur.
    — Et puis l’enfant est né, dis-je, et que s’est-il
passé après ?
    — Ce fut leur fin à tous les deux.
    — Que veux-tu dire ?
    — La fin d’Elena et la fin de l’enfant.
    — Une nuit elle a commencé à avoir des contractions,
poursuivit Chrestus. Tout le monde dans la maison savait que son heure était
venue. Les femmes étaient au courant sans qu’on leur en parle ; les hommes
étaient nerveux et irritables. Cette nuit-là Félix et moi avons appris que
Capito nous renvoyait à Rome.
    « Le lendemain matin, on nous a fait sortir au point du
jour et entassés dans un char à bœufs avec un chargement pour la maison de
Chrysogonus – des meubles, des caisses et diverses choses. Et juste
au moment où nous allions partir, on a amené Elena.
    « Elle avait le teint terreux, elle était décharnée et
toute moite de sueur. C’est à peine si elle tenait debout, tant elle était
faible. Elle devait avoir accouché à peine quelques heures auparavant. La place
manquait pour l’allonger dans le char. Nous avons donc entassé nos vêtements
pour lui faire un siège rembourré et nous l’avons adossée aux caisses. Elle tremblait,
elle avait de la fièvre et ne savait même pas où elle se trouvait, mais elle ne
cessait de réclamer le bébé.
    « Finalement la sage-femme est arrivée en courant. Hors
d’haleine, à bout de nerfs, elle pleurait à chaudes larmes. « Pour l’amour
des dieux, lui demandai-je à voix basse, où est l’enfant ? » Elle a
regardé Elena, craignant qu’elle n’entende ce qu’elle allait dire. Mais Elena
était à peine consciente. Appuyée sur l’épaule de Félix, elle marmonnait,
frissonnait et battait des paupières. « C’était un garçon, chuchota la
sage-femme.
    — Oui, mais où est-il ? Nous allons partir d’une
minute à l’autre.
    — Il est mort, murmura la sage-femme d’une voix à peine
audible. J’ai essayé de l’empêcher de prendre l’enfant, mais je n’ai pas

Weitere Kostenlose Bücher