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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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ont écartés et jetés à terre, reprit Félix. Ils étaient
forts comme des lions.
    — Et ils puaient l’ail, ajouta Chrestus. Ils nous
auraient tués aussi, si Magnus n’était pas intervenu.
    — Alors, tu es sûr que c’était Magnus ?
    — Oh oui ! dit Félix saisi d’un tremblement. Je n’ai
pas vu son visage, il veillait à le dissimuler. Mais j’ai entendu sa voix.
    — Et le maître l’a appelé par son nom, tu t’en
souviens, juste avant que Magnus lui donne un premier coup de poignard.
    — Et les deux autres assassins ? demandai-je.
    — L’un d’eux aurait pu être Mallius Glaucia, bien que
je n’en sois pas certain, dit Félix. L’autre avait une barbe, si mes souvenirs
sont exacts.
    — Une barbe rousse ?
    — Peut-être. C’était difficile à voir dans la pénombre.
Il était encore plus massif que Glaucia et empestait l’ail.
    — Barberousse, grommelai-je. Et comment se fait-il que
Magnus les ait empêchés de vous tuer ?
    — Il le leur a interdit. « Arrêtez, espèce d’imbéciles !
gronda Chrestus, comme s’il jouait un rôle. Ces esclaves valent un bon prix. Si
vous en blessez un, ce sera autant de moins sur vos gages ! » « Ils
valent un bon prix », a-t-il dit, et voilà à quoi nous sommes réduits :
nous faisons reluire les sandales de Chrysogonus et nettoyons ses pots de
chambre.
    — Magnus, semble-t-il, souhaitait que vous fassiez
partie de l’héritage.
    — Oui, acquiesça Félix. C’était ça leur plan, faire
main basse sur les biens de notre maître. Qui peut imaginer comment ils s’y
sont pris ? Et maintenant nous avons échoué en ville, mais la ville, nous
ne la voyons jamais. Nous sommes enfermés jour et nuit dans ces pièces où il n’y
a pas d’air. C’est à croire qu’on nous punit.
    — La nuit du meurtre, dis-je, en essayant de les
ramener au sujet, vous avez disparu, vous vous êtes volatilisés, sans crier,
sans appeler au secours. Ne le niez pas, j’ai un témoin qui me l’a juré.
    Félix secoua la tête.
    — Je ne connais pas ton témoin, mais nous ne nous
sommes pas enfuis, pas exactement, du moins. Nous avons d’abord filé à toute
allure dans la rue, puis nous nous sommes arrêtés. Chrestus aurait bien
continué de courir, mais je l’ai retenu.
    — C’est vrai, dit Chrestus, l’air penaud.
    — Nous sommes restés dans le noir à les regarder faire.
Quel homme merveilleux ! Quel noble Romain ! Un esclave ne pouvait
souhaiter meilleur maître. Il ne m’a pas battu une seule fois en trente ans !
Combien d’esclaves peuvent en dire autant ?
    — C’était horrible ! soupira Chrestus. Il
tremblait de tous ses membres quand ils l’ont poignardé, je ne l’oublierai
jamais. Le sang jaillissait de son corps comme d’une fontaine. J’ai alors pensé
que je devrais retourner près de mon maître, me jeter par terre à côté de lui
et leur dire : « Tuez-moi à mon tour. » C’est bien ce que j’ai
dit, Félix ?
    Il se mit à pleurer doucement. Puis, soudain, il fronça les
sourcils.
    — Qu’y a-t-il ? demandai-je.
    — Quelque chose me revient à l’esprit, quelque chose de
bizarre, et qui me paraît encore plus bizarre, maintenant que j’y songe. Quand
ils en ont eu fini, que notre pauvre maître était bel et bien mort, le barbu s’est
mis à le décapiter.
    — Quoi ?
    — Il l’a empoigné par les cheveux, lui a tiré la tête
en arrière et a commencé à lui trancher le cou avec une lame énorme. On aurait
dit un boucher qui avait fait cela toute sa vie. Au commencement, Magnus ne l’avait
pas vu, car il regardait du côté des fenêtres. Quand il a baissé les yeux, il a
crié à l’homme de s’arrêter immédiatement. Il l’a repoussé et l’a giflé de
toutes ses forces. Il a fallu qu’il lève le bras en l’air pour le faire.
    — Il a giflé Barberousse alors qu’il était en train de
décapiter un homme ? Je ne parviens pas à le croire.
    — Tu ne connais pas Magnus, reprit Félix. Quand il s’emporte,
il giflerait Pluton en personne et lui cracherait au visage. Son homme de main
le connaissait assez pour ne pas oser lui rendre sa gifle, mais pourquoi s’était-il
mis à décapiter mon maître ?
    — L’habitude, dis-je. C’est ce qu’on faisait du temps
des proscriptions. On coupait la tête et on la montrait pour réclamer la
récompense de l’État. Barberousse était un professionnel, il avait tellement l’habitude
de couper les têtes pour

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