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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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d’être là.
    — Gordien, quelle chance de te trouver dans cette foule !
Tu n’imagines pas quel plaisir c’est, pour un fermier qui vient de la campagne,
de voir un visage connu dans cette ville…
    — C’est merveilleux ! interrompit Lucius. Quelle
ville ! Je ne l’aurais jamais imaginée comme cela. Si grande, si belle !
Et tous ces gens ! Dans quel quartier habites-tu ?
    — Tu lui pardonneras ses manières, je l’espère, s’écria
Titus, en écartant d’un geste tendre une boucle rebelle sur le front de son
fils. À son âge, je n’étais jamais venu à Rome, moi non plus.
    « Regarde là-bas, Lucius, cette tribune énorme avec
pour ornements les proues des navires carthaginois capturés au cours des
batailles, ce sont les Rostres, comme je te l’ai dit. L’orateur y monte par un
escalier qui se trouve derrière, puis harangue l’auditoire de là-haut. »
    Je le dévisageai d’un air ébahi. Dans sa ferme à Ameria j’avais
été frappé par sa bienveillance, son charme, sa distinction qui n’avait rien d’artificiel.
Ici au Forum, il n’était pas dans son élément, il montrait les choses du doigt
et criaillait comme un rustre.
    — Quand es-tu arrivé ? lui demandai-je au bout d’un
moment.
    — Hier soir. Nous avons mis deux jours pour venir d’Ameria.
    — Ça a été long et pénible, s’esclaffa Lucius.
    — Alors tu n’as pas encore vu Cicéron ?
    Titus baissa les yeux.
    — Non, malheureusement. Mais j’ai réussi à trouver l’écurie
dans le quartier de Subure et j’ai rendu Vespa à son propriétaire.
    — Mais tu devais arriver hier matin. Tu devais venir
chez Cicéron pour qu’il t’interroge et voie si tu pouvais lui être utile comme
témoin.
    — Oui, eh bien…
    — C’est trop tard, maintenant.
    — Je le crains.
    Titus haussa les épaules et détourna les yeux. Je fis un pas
en arrière.
    — Je comprends. Mais tu as tout de même voulu assister
au procès.
    Il pinça les lèvres.
    — Sextus Roscius est – ou plutôt était – mon
voisin. J’ai plus de raisons de me trouver ici que la plupart de ces gens-là.
    — Et plus de raisons de l’aider.
    Titus baissa la voix.
    — Je l’ai déjà aidé : j’ai adressé une pétition à
Sylla, je te l’ai dit. Mais parler en public, ici, à Rome – je suis
père de famille. Tu saisis ?
    — Et si on le déclare coupable et si on l’exécute, tu
resteras aussi ?
    — Je n’ai jamais vu de singe, dit Lucius gaiement. Tu
crois qu’on enferme vraiment le condamné dans un sac ?
    — Oui, dis-je à Titus. Ne manque pas d’emmener le
garçon voir ce spectacle. Il ne l’oubliera jamais !
    Je m’éclipsai dans la foule. Un dignitaire arriva, précédé d’une
escorte de gladiateurs qui se frayèrent un chemin jusqu’aux rangs des juges. Je
me trouvai pris dans une marée humaine qui me repoussa jusqu’à ce que mes
épaules viennent heurter quelque chose de solide et de dur comme un mur, le
piédestal d’une statue.
    Je regardai par-dessus mon épaule. Derrière moi le dictateur
sur un cheval recouvert d’or était en tenue de général, mais tête nue pour qu’on
aperçoive son visage rayonnant de bonheur. L’homme que j’avais vu chez
Chrysogonus paraissait beaucoup moins jeune que ce guerrier, mais le sculpteur
avait parfaitement réussi à reproduire ses mâchoires puissantes ainsi que l’imperturbable
assurance qu’exprimait son regard. Ce regard ne balayait pas la foule, ni les
gradins où siégeaient les juges, mais fixait la petite estrade de l’orateur en
haut de la tribune aux harangues. Celui qui osait y monter se trouvait donc
face à face avec le protecteur suprême de l’État. Je reculai pour lire l’inscription
sur le piédestal : L. CORNELIUS SYLLA, DICTATEUR, FAVORI DES DIEUX.
    Une main me happa par le bras. Je me retournai et vis Tiron
appuyé sur sa béquille.
    — C’est parfait, dit-il. Tu es tout de même venu. Je
craignais… mais peu importe. Je t’ai aperçu depuis l’autre côté de la rue.
Suis-moi, s’il te plaît.
    Il traversa la foule en clopinant et me fraya un passage. Un
garde armé fit un petit signe de tête à Tiron et nous laissa franchir un
barrage.
    Devant la tribune s’étendait une petite place. D’un côté la
foule des spectateurs, debout, de l’autre des rangées de bancs pour les amis
des plaideurs et pour les personnalités. A l’angle de la place, entre les
spectateurs et la tribune, se trouvaient des

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