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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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j’étais dangereux. Je n’étais
pas en état de me promener dans les rues.

3
    Tiron ouvrit la porte. Il avait l’air épuisé mais son visage
rayonnait de bonheur, il était content de lui et vraiment si heureux de vivre
qu’il avait de la peine à me montrer sa réprobation.
    — Cicéron est furieux contre toi. Qu’as-tu donc fait
toute la journée ? murmura-t-il.
    — J’ai cherché des cadavres dans des décombres
calcinés, j’ai bavardé avec les amis des grands de ce monde, j’ai rendu visite
à des fantômes et à de vieilles connaissances, j’ai été voir des filles de
joie, en tout bien tout honneur, cela va sans dire. J’ai menacé de mon couteau
des inconnus qui me faisaient des avances…
    Tiron fit la grimace.
    — Tout ce que tu racontes n’a ni queue ni tête.
    — Vraiment ? répliquai-je, je croyais que Cicéron
t’avait appris le sens des mots. Et, – malgré cela, tu ne me comprends
pas.
    — Tu es ivre ?
    — Non, c’est toi qui l’es. Oui, regarde-toi, tu as le
vertige comme un petit garçon qui vient de boire sa première coupe de vin. La
rhétorique de ton maître t’a soûlé, c’est évident. Cela fait huit heures qu’il
t’en abreuve et tu es probablement à jeun. C’est un miracle que tu aies pu
trouver le chemin pour m’ouvrir la porte.
    — Tu ne dis que des bêtises.
    — Au contraire, je suis parfaitement clair. Mais tu es
si grisé par le charabia de ton maître qu’une pensée plus terre à terre doit te
paraître aussi insipide que l’eau de source à un ivrogne invétéré.
    J’avais enfin atteint mon objectif : la gaieté qui
illuminait le visage de Tiron avait fait place à la consternation. A ce
moment-là Rufus apparut dans le couloir : il était tout rouge, il battait
des paupières et avait l’air fatigué, ce qui le rendait encore plus séduisant,
d’autant plus qu’il ne cessait de sourire.
    — Nous avons terminé la seconde ébauche de la
plaidoirie. Cicéron te fera verser des larmes quand tu l’entendras au procès,
je te le jure. Des citoyens se lèveront en serrant les poings pour exiger que
Sextus Roscius soit déclaré non coupable. Cicéron n’a pas écrit de version
définitive, bien sûr. Mais il a fait de son mieux pour prévoir toutes les
éventualités et, dans ses grandes lignes, son argumentation est parfaitement
étayée et mise au point. C’est génial. Il n’y a pas d’autre terme pour la
qualifier.
    — Tu ne crois pas que c’est trop dangereux, murmura
Tiron.
    — Dans un État injuste, tout acte honnête est par
nature dangereux, rétorqua Rufus. Et également courageux. Un homme qui défend
une cause juste prend forcément des risques.
    — Pourtant, n’as-tu pas peur de ce qui pourrait se
passer après le procès ? Cicéron ne ménage pas Chrysogonus et Sylla
lui-même n’est pas épargné.
    — Oui ou non, est-il possible de dire la vérité dans un
tribunal romain ? C’est toute la question. Sommes-nous arrivés au point où
la vérité est un crime ? Cicéron fait un pari sur l’avenir. Il mise sur la
probité et l’honnêteté foncières des braves citoyens romains. Qu’est-ce qu’un
homme intègre comme lui peut faire d’autre ?
    — Bien sûr, répliqua Tiron d’une voix posée en opinant
du bonnet. C’est dans sa nature de s’attaquer à l’hypocrisie et à l’injustice,
d’agir selon ses principes. Étant donné son caractère, il n’a pas d’autre
choix.
    J’étais resté à l’écart, oublié, tout seul. Alors qu’ils
continuaient de bavarder et de discuter, je m’éclipsai sans bruit et retrouvai
Bethesda dans mon lit douillet. Elle ronronnait comme une chatte à moitié
endormie, mais elle fronça le nez et grommela quand elle sentit le parfum d’Electra
sur ma peau. J’étais trop las pour lui donner des explications ou même pour la
taquiner. Je lui tournai le dos et sombrai dans un sommeil agité.
     
    Le lendemain matin, un silence de mort régnait dans la
maison de Cicéron. On aurait pu croire que tous les habitants étaient partis ou
que quelqu’un était gravement malade. Les esclaves ne couraient pas dans tous
les sens, mais prenaient leur temps et parlaient sans cesse à voix basse. Même
le bourdonnement constant de la voix de Cicéron avait cessé ; pas un bruit
ne provenait de son bureau. Je mangeai les olives et le pain que m’avait
apportés Bethesda et je passai la matinée à me reposer et à lire au fond de l’atrium.
    Cicéron ne

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