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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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passai devant des
nobles qui me jetèrent un regard noir, parce que je les dérangeais, et
relevèrent délicatement le bas de leur toge, de peur que mon pied ne la touche
et ne la salisse. Tandis que je m’échappais en longeant le passage bondé de
monde entre les juges et la galerie, je me retournai pour jeter un coup d’œil
sur la place. Cicéron, emporté par la passion, faisait force gestes, la foule
en extase le regardait, Erucius et Magnus serraient les dents. Tiron m’aperçut
par hasard. Il me sourit puis parut soudain effrayé. Il me fit signe de
revenir. Je lui répondis en agitant la main en guise d’adieu. Son appel devint
plus pressant et il quitta sa place. Je lui tournai le dos et m’éloignai
rapidement. Il essayait de m’avertir du danger qui me menaçait, je le compris
plus tard.
    Au bout de la galerie, je passai devant Chrysogonus et sa
suite. À ce moment-là, je crus sentir la chaleur qui émanait de son visage
congestionné.
    Je me faufilai à travers la foule de serviteurs et d’esclaves
entassés derrière la galerie. Au-delà la rue était vide. Certains spectateurs
dénués de sens civique avaient uriné dans le caniveau le plus proche. Ma vessie
pouvait attendre que j’arrive aux latrines publiques. Il y en avait derrière le
sanctuaire de Vénus, dans un petit renfoncement situé juste au-dessus du Grand
Égout. Le sol était carrelé et un écoulement était prévu de chaque côté.
    Je me mis face au mur et regardai la pierre qui se
désagrégeait, retenant mon souffle tant l’odeur était nauséabonde. Le discours
de Cicéron me parvenait depuis la tribune.
    Cicéron était arrivé à ses derniers arguments. Je décidai d’uriner.
Je fermai les yeux. Les vannes s’ouvrirent. Je commençai à me soulager.
    A ce moment précis, j’entendis un sifflement derrière moi et
m’arrêtai net. Je me retournai : Mallius Glaucia était à dix pas de moi.
Sa main descendit le long de sa tunique et se referma sur un poignard caché
sous les plis. Il joua avec le manche en arborant un sourire obscène, comme s’il
caressait son sexe.
    « Soyez vigilants, juges, sinon aujourd’hui et ici
même, vous pouvez être à l’origine d’une deuxième vague de proscriptions, bien
plus cruelle, plus impitoyable que la première. Celle-ci concernait des hommes
qui étaient en mesure de se défendre. La tragédie que je prévois touchera les
enfants des proscrits, des bébés au berceau ! Que les dieux immortels nous
préservent ! Qui sait où de telles atrocités pourraient mener notre
République ? »
    — Continue, dit Glaucia. Ne t’arrête pas.
    Je laissai retomber ma tunique et me retournai pour lui
faire face. Glaucia souriait. Lentement il sortit son poignard, joua avec,
passa la lame sur le mur en la faisant grincer.
    — Je ne plaisante pas, dit-il. Tu crois que je
poignarderai dans le dos un homme qui est en train de pisser ?
    — C’est tout à ton honneur, rétorquai-je en essayant de
contrôler ma voix. Que veux-tu ?
    — Te tuer.
    J’inspirai un peu d’air, qui sentait la vieille urine.
    — Tu veux me tuer maintenant ?
    — Exact.
    Il cessa de gratter le mur et effleura le bout de son pouce
avec la pointe de la lame. Une goutte de sang jaillit. Glaucia le suça.
    « Juges, il appartient à des hommes avisés, possédant
toute l’autorité que vous avez, d’appliquer les remèdes les plus efficaces aux
maux dont continue à souffrir notre République. »
    — Mais pourquoi ? Le procès est presque terminé.
    Au lieu de répondre il continua de sucer son pouce et
recommença à faire grincer la lame contre le mur. Il me dévisageait comme un
enfant devenu fou. Le couteau que j’avais sous ma tunique valait bien le sien,
mais son bras était plus long que le mien et la partie était perdue d’avance.
    — Pourquoi me tuer ? Quoi qu’il arrive maintenant,
ce que tu peux me faire n’y changera rien. Mon rôle dans cette affaire est
terminé depuis longtemps. C’est l’esclave qui t’a assommé l’autre jour, si c’est
cela qui t’a mis en colère. Tu n’as aucune raison de m’en vouloir, Mallius Glaucia,
aucune raison de me tuer, absolument aucune.
    Il cessa de faire grincer la lame et de sucer son pouce.
    — Je te l’ai déjà
dit. Je veux te tuer. Tu vas
finir de pisser, oui ou non ?
    « Il n’est pas un homme parmi vous qui ne connaisse la réputation
qu’ont les conquérants romains d’être cléments et indulgents avec

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