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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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les
sénateurs et les magistrats issus des plus vieilles familles de la République.
    Alerté par Erucius, Chrysogonus était enfin arrivé. Ses
gardes du corps eurent tôt fait de dégager le dernier rang de la galerie, où
quelques personnes parmi la foule avaient eu la chance de s’emparer des seules
places laissées par la petite noblesse. Les regards se tournèrent vers lui et
un murmure se fit entendre quand Chrysogonus se dirigea vers le milieu du banc
et s’assit.
    — J’ai fait une enquête sur cet ancien esclave, déclara
Cicéron. Il est très riche et n’a pas honte d’étaler sa fortune. En plus de sa
résidence sur le Palatin, il possède une belle maison de campagne, sans parler
de nombreuses fermes, toutes sur des terres fertiles à proximité de la ville.
Sa maison regorge de vases d’or, d’argent et de bronze de Délos et de Corinthe.
Son argenterie ciselée, ses couvertures brodées, ses peintures et ses statues
de marbre sont d’une valeur inestimable.
    « Mais ce sont là ses biens matériels. Il y en a d’autres
qui sont doués d’une âme. Je veux dire sa multitude d’esclaves, qui ont tous
des dons remarquables et des compétences diverses. Je ne m’attarderai pas sur
les métiers ordinaires – cuisiniers, boulangers, couturiers, porteurs
de litière, menuisiers, tapissiers, peintres, couvreurs, femmes de ménage,
hommes à tout faire, polisseurs de dalles, laveurs de vaisselle, garçons d’écurie,
couvreurs et praticiens habiles en l’art de guérir. Pour charmer ses oreilles
et ravir son esprit, ses musiciens sont si nombreux que, dans le quartier, on
entend à toute heure des chants et le son d’instruments à cordes, de violons,
de tambours et de flûtes. Le soir la débauche bat son plein : des
acrobates font leurs pirouettes et des poètes déclament des vers obscènes pour
son plaisir. Quand un homme mène une telle vie, juges, pouvez-vous imaginer ses
dépenses quotidiennes ? Le coût de sa garde-robe ? Son budget pour
les réceptions somptueuses et les festins luxueux ? Sa demeure ne mérite
guère le nom de résidence, c’est plutôt l’officine de la luxure et du vice, et
le havre de toutes sortes de criminels. Il dépenserait la fortune tout entière
d’un Sextus Roscius en moins d’un mois !
    « Regardez, juges. Tournez les yeux vers cet homme aux
cheveux soigneusement bouclés et parfumés : il se pavane dans le Forum
avec son cortège de citoyens nés à Rome, qui déshonorent leur toge en
apparaissant dans la suite d’un ancien esclave ! Voyez quel mépris il
témoigne à ceux qui l’entourent. À ses yeux, personne d’autre que lui n’est un
être humain. Il est gonflé de suffisance, il croit être le seul à posséder
pouvoir et richesse. »
    Quiconque aurait vu Chrysogonus pour la première fois à ce
moment-là ne l’aurait pas trouvé beau. Sa figure était si bouffie et si
écarlate qu’il semblait sur le point d’avoir une attaque d’apoplexie. Ses yeux
étaient exorbités. Jamais tant de rage n’avait été refoulée dans un corps aussi
raide. S’il avait explosé, je n’en aurais guère été étonné.
    De la tribune, Cicéron voyait fort bien l’effet que
produisaient ses paroles, il continua néanmoins sans s’interrompre. Lui aussi
était surexcité et avait le visage tout rouge. Il parlait de plus en plus vite,
mais sans jamais perdre le fil de sa pensée, sans hésiter sur une syllabe ou
chercher un mot.
    — Après m’avoir entendu attaquer ce personnage, je
crains que certains ne se méprennent sur ma pensée et croient que je veux m’en
prendre à la cause des aristocrates qui a triomphé dans nos guerres civiles, et
à leur champion, Sylla. Il n’en est rien. Ceux qui me connaissent savent que,
durant ces guerres, j’ai souhaité ardemment la paix et la réconciliation. La
réconciliation s’étant avérée impossible, le parti le plus vertueux a remporté
la victoire. Cela, grâce à la volonté des dieux, au zèle du peuple romain et,
bien sûr, à la sagesse, la puissance et la bonne fortune de Lucius Sylla. Que
les vainqueurs aient été récompensés et les vaincus punis, c’est chose normale.
Mais je ne parviens pas à croire que l’aristocratie a pris les armes pour que
ses esclaves et ses affranchis aient toute liberté de se repaître de nos biens
et de nos propriétés.
    Je ne pus attendre la fin du discours. Ma vessie était prête
à éclater, comme les joues de Chrysogonus. Je me levai et

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