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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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marche à grand bruit.
    Le petit bonhomme se réveilla instantanément. Il se redressa
d’une galipette.
    — Hé, toi !
    Le géant prit la fuite, mains sur la tête, mais déjà l’autre
était sur lui. Armé d’une latte de bois, il le bastonnait sur les épaules en
criant d’une voix perçante :
    — Que je t’y reprenne, à amener des étrangers à mon
étage ! Voler mes pourboires ! Tu vas voir si je t’attrape, pauvre
tas de merde ! Fous le camp, ou je te bats comme plâtre.
    La scène était pathétique et ridicule. Nous avons éclaté de
rire, et cessé aussitôt devant le visage pétrifié de la jeune femme.
    — Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ?
    — Je m’appelle Gordien. Au service de l’honorable
avocat Marcus Tullius Cicéron. Voici son secrétaire, Tiron. J’avais juste une
ou deux questions, à propos des événements de septembre dernier.
    Elle pâlit.
    — J’en étais sûre. Je le savais, ne me demande pas
comment. J’en ai encore rêvé cette nuit… Mais je n’ai rien à dire maintenant,
il faut vous en aller.
    Elle poussa la porte. Je la coinçai du pied. Le panneau de
bois était si mince et délabré qu’il craqua sous la pression.
    — Allons, laisse-nous entrer. Tu as un fameux chien de
garde sur le palier. Je l’entends qui revient. Tu n’as rien à craindre. Tu n’auras
qu’à appeler si je me conduis mal.
    La porte s’ouvrit brusquement en grand, mais ce n’était pas
la veuve qui se tenait devant nous. C’était son fils, et bien qu’il n’eût guère
plus de huit ans, il n’avait pas l’air d’un gosse, surtout avec ce coutelas à
la main.
    — Non, Eco, non !
    La femme l’attrapa par le bras et le tira en arrière. Des
portes commençaient à s’ouvrir en grinçant.
    — Oh, par Cybèle, entrez.
    La femme réussit à désarmer son fils et verrouilla bien vite
derrière nous. L’enfant me regardait avec haine.
    — Coupe ça, plutôt, dis-je en lançant mon sachet de
figues qu’il saisit au vol.
    C’était une petite chambre encombrée, comme toujours dans
ces logis. Mais il y avait une fenêtre avec des persiennes, et assez de place
pour pouvoir dormir à deux par terre sans se gêner.
    — Vous habitez seuls, tous les deux ?
    Je repérai les quelques effets personnels : des
vêtements de rechange, un petit panier de produits de beauté, des jouets en
bois. Ses affaires à lui, ses affaires à elle.
    — Ça te regarde ?
    Elle se tenait dans l’encoignure près de la fenêtre, le bras
passé autour de son fils, qu’elle protégeait et retenait tout à la fois.
    — Pas vraiment, dis-je. Tu permets que je jette un coup
d’œil par la fenêtre ? Tu ne sais pas la chance que tu as. (Le garçon se
raidit à mon approche.) Bon, la vue n’est pas terrible, mais j’imagine que c’est
tranquille le soir, et l’air frais est une bénédiction.
    L’appui de la fenêtre m’arrivait aux cuisses, formant un
rebord d’un pied de large, où la jeune femme avait jeté un coussin plat. En
face, un peu sur la droite, je pouvais voir l’entrée de la petite épicerie ;
la vieille s’était mise à balayer devant sa porte. Juste à la verticale,
ressortant vivement par contraste sur les pavés, s’étalait la tache de sang
laissée par Sextus Roscius.
    — En voilà une bonne banquette, surtout par un temps
pareil. Ça doit être agréable de s’asseoir à l’automne, quand les soirées sont
douces. Regarder les passants. Je parie qu’on peut voir les étoiles, par une
nuit sans nuages.
    — La nuit, je ferme les volets, peu importe le temps.
Et je ne m’occupe pas des gens dans la rue, ce ne sont pas mes oignons.
    — Tu t’appelles Polia, je crois ?
    Elle se contracta, resserrant son étreinte sur le petit,
dont elle caressait nerveusement les cheveux. Il leva la tête et tenta de la
repousser.
    — Je ne te connais pas. Qui t’a dit comment je m’appelais ?
    — Dis-moi, Polia, cette histoire de s’occuper de ses
oignons, c’est une règle de vie ? ou une résolution récente ? Ça ne t’aurait
pas pris, par hasard, en septembre dernier ?
    — J’ignore de quoi tu parles.
    — Quand le gardien nous a amenés, tu m’as pris pour
quelqu’un d’autre.
    — J’ai cru que c’était ma mère. Elle arrête pas de
venir me réclamer de l’argent, et j’ai plus rien à lui donner.
    — Non, j’ai entendu distinctement. Tu as demandé :
« Pas ceux de la dernière fois ? » Tu n’avais pas l’air

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