Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
Vom Netzwerk:
durcit.
    — C’est pas Gallius qu’a peint ça.
    — Je m’en doute. On dirait du sang.
    — C’en est.
    — Tu parles trop, le vieux.
    Sourcils froncés, la femme tapait plus fort sur le comptoir.
    — Il y a des choses qu’on doit voir, mais dont on parle
pas.
    — La ferme ! Si c’était moi, y a longtemps que j’aurais
lavé ça. C’est toi qu’as voulu que ça reste ; y a pas à s’étonner que les
gens le remarquent.
    — C’est là depuis longtemps ?
    — Oh, depuis plusieurs mois. Depuis l’automne.
    — Et d’où vient cette marque ?
    — Un homme a été tué en pleine rue, un riche à ce qui
paraît. Tu te rends compte : tué à coups de poignard, juste devant chez
moi !
    — La nuit ?
    — Évidemment. Autrement, il serait tombé en plein chez
nous. Par Hercule, on n’en aurait jamais vu ni entendu la fin !
    La femme se tenait le front baissé, comme un taureau.
    — Tu ne sais rien, tu ferais mieux de te taire, va !
Demande plutôt à ce brave homme s’il désire quelque chose.
    — Tu permets, je sais qu’on a tué un homme, aboya le
vieux.
    — Nous, on n’a rien vu, rien entendu. Seulement les
racontars le lendemain.
    — Des racontars ? C’était quelqu’un du quartier ?
    — Pas que je sache, fit l’épicier. On dit seulement que
des habitués des Cygnes se trouvaient là quand on a retourné le corps, et qu’ils
l’ont reconnu.
    — Les Cygnes ?
    — Une maison de plaisir, réservée aux hommes.
Personnellement, je n’y mets jamais les pieds. (Il baissa la voix.) Mais mon
fils m’en a raconté de belles, sur cet endroit.
    Sur le comptoir, les coups redoublaient de férocité.
    — En tout cas, on était monté se coucher quand c’est
arrivé.
    — Et tu n’as rien entendu ? On pourrait penser qu’il
y a eu des cris, du bruit…
    L’homme ouvrit la bouche, mais sa femme l’interrompit.
    — Les chambres sont par-derrière. On n’a pas de fenêtre
sur la rue. Et puis, qu’est-ce que ça peut bien te faire ?
    Je haussai les épaules.
    — C’est seulement qu’en passant, j’ai remarqué cette
empreinte. C’est curieux que personne n’ait pensé à badigeonner par-dessus.
    — C’est ma femme, ça. Superstitieuse, comme toutes les
femmes !
    — Un voyou y réfléchira à deux fois avant de pénétrer
un magasin avec une main sanglante à l’entrée. Les voleurs, on leur coupe la
main, tu sais bien. Cette empreinte, elle a une force. Si c’était nous qu’on l’avait
peinte, ça marcherait pas. Mais la marque d’un homme qui meurt, faite de sa
main, avec son sang, elle a une force, j’te dis. Demande à cet étranger. Il l’a
bien sentie, lui. N’est-ce pas ?
    — Moi, je l’ai sentie !
    C’était Tiron derrière moi. Trois paires d’yeux le fixèrent.
Il devint rouge comme une tomate.
    — Dites-moi : qui a vu le meurtre ? Les gens
ont dû parler dans le quartier. Tout le jour, on entre et on sort de chez vous.
S’il y a des témoins, vous devez être au courant ?
    Le vieux cessa de se racler la gorge et me dévisagea
longuement, puis regarda sa femme. Elle se taisait, l’air revêche, mais
peut-être y eut-il un signe imperceptible, car lorsqu’il se retourna vers moi,
on eût dit qu’il avait obtenu la permission de parler.
    — Il y a eu une personne… une femme. Elle habite l’immeuble
en face. Elle s’appelle Polia. Une jeune veuve. Elle habite avec son petit
garçon, qui est muet. Un client nous a dit que Polia racontait à tout le monde
qu’elle avait vu le meurtre de ses yeux, depuis sa fenêtre. Naturellement,
quand elle est passée au magasin, je lui ai demandé. Et tu sais quoi ?
Elle a refusé d’en parler. Pas un mot, muette comme une tombe, elle aussi. Sauf
pour dire que je devais plus jamais lui poser de questions là-dessus, et jamais
parler à personne de rien qui puisse…
    Il pinça brusquement les lèvres l’air coupable.
    — Sais-tu s’il aime les figues, son petit garçon ?
fis-je en choisissant précautionneusement quelques spécimens.
    Tiron, qui portait mon sac en bandoulière, fouilla et sortit
un as de cuivre.
    — Non, Tiron, plus que ça. Donne un sesterce à l’épicier,
et qu’il garde la monnaie. Après tout, ton maître me paye les frais.
    Le vieux examina la pièce d’un air soupçonneux.
    — Bien élevé, avec ça. Tu es sûr que tu peux pas me le
vendre ?
    Je souris et fis signe à Tiron de me suivre.
     

10
    L’immeuble en face de nous était une

Weitere Kostenlose Bücher