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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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venaient-ils ?
    Eco tendit l’index vers l’espace en retrait derrière la
porte de l’épicerie.
    — J’en étais sûr. Combien étaient-ils ?
    Il leva trois doigts.
    — Seulement ?
    Il hocha vigoureusement la tête. Et la pantomime commença.
    Il remonta la rue en courant une dizaine de mètres, puis
revint vers nous en se dandinant, les yeux mi-clos, balançant les bras de part
et d’autre.
    — Le vieux Sextus Roscius, dis-je. Qui arrive flanqué
de ses deux esclaves.
    Le garçon approuva, puis courut vers l’échoppe, s’introduisit
dans le recoin et claqua la porte. Depuis son comptoir à l’arrière, j’entendis
la vieille qui râlait. L’enfant s’enroba dans la cape et se tapit contre le mur
du petit cul-de-sac, le coutelas à la main. Je le suivis.
    — Trois tueurs, dis-tu. Et toi, tu es le chef ?
    Il opina et m’indiqua de prendre la place de Sextus Roscius,
qui déambulait sous la lune, en plein milieu de la rue.
    — Viens, Tiron. Tu sera Félix ou Chrestus, celui qui se
tenait à ma droite, le plus près de l’embuscade.
    — Est-ce bien raisonnable ?
    — Tais-toi, Tiron, et joue le jeu.
    Nous arrivâmes côte à côte. Du point de vue de la victime,
la petite impasse, même au clair de lune, était invisible. Regardant droit
devant moi, je sentis un mouvement à peine perceptible. Déjà il était trop
tard. Le petit attrapa Tiron par l’épaule et le poussa de côté. Il recommença,
une fois à droite, une fois à gauche : deux assassins séparant les deux
esclaves de leur maître. La deuxième fois, Tiron le repoussa méchamment.
    J’allai me retourner ; Eco m’obligea à rester droit d’une
bourrade dans les épaules. Par-derrière, il noua ses bras aux miens, comme pour
m’immobiliser. D’une petite pression, il me signala qu’il changeait de rôle, se
dégagea, fit le tour et se retrouva devant moi. Le capuchon baissé, le couteau
à la main, il avança en boitant. Il me saisit à la mâchoire et me regarda bien
en face. C’est alors qu’il abattit son poignard.
    — Où ça ? Où a-t-il frappé ?
    Il me toucha entre la clavicule et le sein, juste au-dessus
du cœur. Instinctivement, j’y portai la main. Eco hocha la tête, invisible sous
son capuchon. Il désigna l’empreinte sur la porte de l’échoppe.
    — Sextus s’est débattu ?
    Il secoua la tête et fit le geste de lancer quelque chose.
    — On l’a jeté à terre ? (Battement de cils.) Et il
a eu la force de se traîner jusqu’à la porte…
    Eco hocha la tête et désigna le point de chute du vieillard.
Il s’approcha de la silhouette imaginaire et la roua de coups de pied, en
poussant des sortes de jappements. J’étais écœuré, je compris qu’il imitait des
rires.
    — Il était donc ici, dis-je en prenant position aux
pieds d’Eco. Choqué, blessé, inerte. Ils l’ont poussé à coups de pied, en l’insultant
et en riant, jusqu’à la porte. Il a levé la main…
    Pour la deuxième fois de la matinée, je pris la porte en
plein nez, quand elle s’ouvrit avec une secousse.
    — Qu’est-ce que c’est que ce trafic ? (C’était la
bonne femme.) Vous n’avez pas le droit…
    Eco se figea à sa vue.
    — Continue, dis-je, ne fais pas attention à elle.
Sextus Roscius est tombé, il s’est appuyé contre la porte. Et après ?
    L’enfant fit le geste de me prendre au collet et de me
lancer littéralement au milieu de la rue. Il courut en boitillant vers son fantôme
prostré et se remit à le battre, progressant à chaque coup d’un pas, jusqu’à se
retrouver au beau milieu de la tache de sang. Il désigna ses compagnons autour
de lui.
    — Trois, ils étaient trois à l’entourer. Mais où
étaient les deux esclaves ? Morts ? Non. Blessés ? Non plus.
    L’enfant fit un bras d’honneur dégoûté. Les esclaves avaient
fui. Une profonde déception se peignit sur le visage de Tiron.
    Eco s’accroupit au-dessus de la tache, brandit son poignard
et l’abattit à un doigt de la chaussée, plusieurs fois de suite. Puis il se mit
à trembler, et tomba à genoux. Il poussait comme un braiment à peine audible.
Il pleurait.
    Je m’agenouillai à ses côtés et lui posai la main sur l’épaule.
    — Là, là, ça va aller, dis-je. J’ai besoin que tu
fasses encore un effort. (Il se dégagea et s’essuya le visage, furieux contre
lui-même d’avoir pleuré.) Un petit effort : quelqu’un d’autre a-t-il été
témoin ? Dans l’immeuble, ou en face dans la

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