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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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qui font main basse sur le pays. Comme ton patron, tiens !
Est-ce là ton affaire, citoyen, l’appât du gain ? Pas de chance, on a tout
ratissé ici. Si tu cherches une bonne propriété, faudra chercher plus loin.
    Je regardai par la porte ouverte. La queue de Vespa
projetait des ombres fantastiques sur le seuil. Il se faisait tard et je n’avais
aucun endroit pour passer la nuit. J’alignai quelques pièces sur la table. Mon
bonhomme s’en saisit et disparut dans un étroit couloir, non sans se mettre de
profil pour pouvoir passer.
    Le vieil homme tourna la tête, l’oreille aux aguets.
    — Quel avare ! À chaque pièce, il court la mettre
dans sa petite boîte. Il recompte toutes les heures ; peut pas attendre la
fermeture, non ? Ça lui vient de sa mère, ça encore.
    Je me dirigeai discrètement vers la porte, mais pas
suffisamment. Le vieux bondit et me barra le passage. Il semblait me dévisager
à travers les membranes laiteuses qui voilaient ses yeux.
    — Toi l’étranger, fit-il, tu n’es pas venu pour acheter
de la terre. Tu es ici à cause du meurtre, n’est-ce pas ?
    Je tâchai de me composer un masque, avant de me rappeler que
c’était inutile.
    — Non, répondis-je bêtement.
    — De quel côté es-tu ? Du côté de Sextus ou de ses
ennemis ?
    — Je t’ai déjà dit…
    — Étrange coïncidence, n’est-ce pas, qu’un vieillard
soit proscrit par l’État, et que son propre fils soit accusé du crime ? Et
n’est-il pas étrange que ce misérable Capito soit le seul à en profiter ?
Cela tombe à pic qu’il soit le premier à avoir vent du meurtre ! Et que le
messager ne soit autre que Glaucia. Qui peut l’avoir envoyé, sinon Magnus, l’ignoble
Magnus ? Pourquoi était-il au courant ? Et comment s’est-il procuré l’arme
du crime ? Sûr que tu trouves ça clair comme de l’eau de roche, n’est-ce
pas, l’étranger ?
    « Mon fils affirme que Sextus est innocent, mais mon
fils est un imbécile, et tu aurais tort de l’écouter. Il dit qu’il entend tout
ce qui se passe, mais il est bien trop occupé à parler ! C’est moi qui écoute.
Depuis dix ans que j’ai perdu la vue, j’ai appris à écouter… Tu n’imagines pas
les choses que j’entends. Même les mots qu’on ne prononce pas. Je sais lire sur
les lèvres, quand les hommes chuchotent à leur insu, quand ils parlent tout
seuls.
    Je lui touchai l’épaule, en vue de l’écarter pour passer.
Mais il ne céda pas d’un pouce, il restait planté là comme un poteau.
    — Les Sextus Roscius, tu penses si je les connais !
Et laisse-moi te dire, même si tu as toutes les preuves du contraire, que le
fils est derrière le meurtre du père. Quelle haine entre eux ! A commencer
quand Roscius s’est remarié pour faire un enfant – Gaïus, celui qu’il
a tellement gâté, jusqu’au jour de sa mort ! Je me souviens encore, quand
il nous a présenté l’enfant. Chacun devait caresser la chère tête blonde,
tandis que le jeune Sextus attendait sur le seuil. Oublié, méprisé, gonflé de
haine comme un crapaud ! J’ai oublié à quoi ressemblait une fleur, mais je
revois tout à fait sa gueule d’assassin !
    Je crus entendre le tavernier revenir et tournai la tête.
    — Regarde par ici ! cria le vieux. Ne crois pas
que tu peux t’en tirer comme ça. Je le sens à ton haleine : regarde-moi
quand je te parle ! Écoute la vérité : le fils haïssait le père et le
père haïssait le fils. Cette haine n’a fait que grandir au fil des jours. J’ai
entendu des mots qui restaient coincés dans leur gorge : des mots de
colère, de ressentiment, de vengeance. Et comment leur en vouloir ?
Comment en vouloir au père d’avoir engendré un tel fils, un tel raté, un tel
déchet ? Un porc, voilà ce qu’il est devenu ! Cupide et insolent !
Quel crève-cœur ! On dit que Jupiter exige l’obéissance filiale, mais quel
ordre peut-on attendre d’un monde où les hommes perdent la vue et s’engraissent
comme des porcs ? Le monde est un chaos, nous sommes fichus. Le monde est
pourri…
    Je reculai, épouvanté. L’instant d’après, le gros tavernier
s’interposait et libérait le passage. J’enjambai le seuil et regardai derrière
moi : le vieux me fixait de ses yeux laiteux en continuant ses imprécations,
l’autre détournait la tête.
    Je détachai Vespa, sautai en selle, traversai Narnia et
franchis le pont aussi vite que possible.

2
    Vespa paraissait aussi soulagée

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