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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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on est dans les fers, il fait pas bon traîner par ici, respirer un parfum
de liberté. Tant d’esclaves misérables dans le coin, ça met mal à l’aise les
braves gens comme moi.
    — Ce sont les fugitifs qui t’inquiètent ? dis-je.
    — Disons que ça fait des histoires. Oh, rien encore en
ville. Mais j’ai une sœur qu’a épousé un fermier du nord. Ils vivent en pleine
cambrousse. D’accord, ils ont leurs propres esclaves pour se défendre ;
mais faudrait quand même être idiot pour y dormir portes ouvertes. Je te dis,
un jour, ça va barder. Imagine une vingtaine de fuyards, dont des tueurs
professionnels. Sais-tu qu’il y a pas loin d’ici une ferme où on les entraîne
pour en faire des gladiateurs ? Imagine ces fauves lâchés dans la nature,
sans rien à perdre.
    — Quel imbécile ! aboya le vieillard.
    Il leva sa coupe et but d’un trait. Le vin refluait aux
commissures des lèvres et gouttait sur son menton gris et ridé.
    — Imbécile. Rien à perdre  ! Et la crucifixion,
alors, et l’éviscération ? Tu crois que Sylla va laisser une bande
d’esclaves détrousser les propriétaires et violer leurs femmes ? T’en fais
pas, les miséreux, ça fait pas d’histoires, tant qu’y a de la terreur pour les
museler.
    Le vieillard avança le menton et sourit comme un spectre. Je
réalisai alors qu’il était aveugle.
    Je tournai ma coupe dans mes mains.
    — Terreur ou pas, on ne se sent plus en sécurité chez
soi. De nos jours, même le père doit se garder du fils. Seulement de l’eau,
cette fois, merci.
    Le tavernier me versa maladroitement l’eau du broc.
    — Que veux-tu dire, au juste ?
    Il jetait des regards inquiets au vieux.
    — Oh rien. Ce sont des ragots qui circulent à Rome. J’ai
parlé de mon voyage à mes associés du Forum, pour avoir des tuyaux sur Ameria.
Eh bien, la plupart n’en avaient jamais entendu parler.
    Je me tus et bus longuement. Le tavernier porta l’index à la
tempe. Le vieillard réagit, inclinant la tête dans ma direction. Un ange passa.
    — Et alors ? souffla l’Étrusque.
    — Et alors quoi ?
    — Les ragots, voyons ! (Le vieux ricana et se
détourna soudain, comme si tout cela ne l’intéressait plus.) Ce cochon ne vit
que pour ça. Pire que sa mère.
    Mon hôte me jeta un regard impuissant. Je pris l’air blasé,
comme si mon récit n’en valait pas la peine.
    — Une histoire de procès, la semaine prochaine à Rome,
qui implique quelqu’un d’Ameria. Il s’appelle Roscius. Je crois ; oui,
comme l’acteur. Il est accusé – j’ai honte de le dire – d’avoir
tué son père.
    Le tavernier recula d’un pas. Il tira un chiffon de sa
ceinture, s’essuya le front où perlait la sueur, et se mit à frotter son
comptoir.
    — Vraiment ? finit-il par dire. Oui, j’ai entendu
un truc de ce genre.
    — Un truc, c’est tout ? Pour un crime pareil, en
province ? Si près de chez vous ? J’aurais cru que c’était sur toutes
les lèvres.
    — Ben, c’est que ça s’est pas passé près d’ici.
    — Ah bon ?
    — Non, le vieux Sextus Roscius s’est fait assassiner à
Rome. C’est ce qu’on m’a dit.
    — Tu le connaissais ? fis-je d’un air dégagé comme
si je n’écoutais que d’une oreille.
    Mon hôte n’était peut-être pas soupçonneux, mais le vieil
homme, certainement. Je le voyais à sa mâchoire qui ruminait de droite à
gauche. Il buvait littéralement mes paroles.
    — Le vieux Sextus Roscius ? Non. Enfin, à peine.
Il lui arrivait de passer, quand j’étais petit. Mais pas récemment, pas depuis
des années. Un Romain de la grande ville, un mondain, voilà ce qu’il était
devenu. S’il rentrait au pays, c’était pas pour s’arrêter ici. Pas que j’ai
raison, père ?
    — Imbécile, grogna le père. Pauvre imbécile…
    Mon hôte s’essuya le front et me fit un sourire penaud. Je
regardai le vieillard d’un air que je m’efforçai de rendre affectueux et
haussai les épaules, l’air de dire : « Je comprends. Un vieillard
impossible à vivre. Mais que peut faire un bon fils ? »
    — En fait, je voulais parler du fils Roscius. Si ce qu’on
dit est vrai, eh bien, on se demande quel est l’homme capable de commettre un
tel forfait.
    — Son fils ? Oui, je le connais un peu, quoi,
juste assez pour le saluer dans la rue. Un homme de mon âge environ. C’était
pas rare qu’il vienne boire un coup, les jours de marché.
    — Qu’en penses-tu ? Est-ce

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