Du sang sur Rome
porte-parole
nous intimide à ce point ?
« Je ne sais comment, je prends mon courage à deux
mains pour exiger des éléments de réponse avant notre départ. Chrysogonus pose
les yeux sur moi et hausse un sourcil, comme on regarde un esclave assez
impertinent pour vous interrompre pour un détail. « C’est entendu »,
laisse-t-il tomber, en assurant qu’il veillera personnellement à ce que le nom
de Sextus Roscius soit effacé des listes et que ses propriétés soient
regroupées et léguées à son fils. « Il faudra être patient, répète-t-il,
car la justice suit son cours lentement à Rome, mais jamais contre la volonté
du peuple. »
« Puis il regarde Capito, sachant apparemment qu’il a
récupéré une partie des biens confisqués. Il lui demande s’il ne s’opposera pas
à une telle décision de justice, allant contre ses intérêts. Capito se récrie
qu’il est attaché au droit romain et qu’il sera heureux de restituer les biens
acquis à l’héritier légitime, s’il apparaît que feu son cousin Sextus Roscius n’a
jamais été l’ennemi de l’État ni du bien-aimé Sylla.
« Ce soir-là, nous avons dîné d’un agneau rôti dans une
auberge de Volterra, nous avons bien bu et bien dormi, et nous sommes rentrés
le lendemain à Ameria. »
— Que s’est-il passé ensuite ?
— Rien. Sylla et son armée ont regagné Rome peu de
temps après.
— Aucune nouvelle de Chrysogonus ?
— Aucune. (Titus haussa les épaules d’un air coupable.)
Tu sais ce que c’est. Je suis un fermier, pas un homme politique. On a laissé
pourrir la situation. J’ai écrit une lettre en décembre, une autre en février.
Sans réponse. Peut-être Sextus lui-même aurait-il obtenu quelque chose ?
Mais il était plus sauvage que jamais. Il se terrait chez lui avec les siens.
Personne n’entendait plus parler d’eux, comme si Capito les avait faits
prisonniers dans cette petite maison. Que veux-tu, si un homme n’est pas
capable de se défendre, ses voisins ne vont pas le forcer.
— Combien de temps a duré cette situation ?
— Jusqu’en avril. Quelque chose a dû casser entre
Sextus et Capito. Au milieu de la nuit, Sextus est arrivé chez moi avec sa
femme et ses deux filles, dans un vulgaire char à bœufs, leurs affaires à la
main, sans même un esclave pour les aider. Il m’a demandé l’hospitalité pour la
nuit. Je la lui ai accordée, bien sûr, et même plus, puisqu’ils sont restés
quatre ou cinq nuits, je crois.
— Trois, fit une voix.
C’était Lucius dont j’avais presque oublié la présence. Il
était assis contre le muret de la terrasse, les genoux relevés contre la
poitrine. Un vague sourire errait sur ses lèvres.
— Mettons trois. Cela m’a paru plus long. Sextus
Roscius traînait son désespoir avec lui. Ma femme se plaignait qu’il nous
porterait malheur. Sans parler de la jeune Roscia… (Il baissa la voix.) Sa
fille aînée. Pas exactement une bonne fréquentation pour des jeunes gens.
Il jeta un regard à Lucius, qui contemplait la lune.
— Puis Servius est parti pour Rome, disant que la
protectrice de son père aurait peut-être de l’influence sur Sylla. Il n’a pas
mentionné de procès. Je me suis dit qu’il était suffisamment désespéré pour
aller solliciter ce Chrysogonus lui-même.
— Tu ne seras pas étonné d’apprendre que Chrysogonus a
personnellement bénéficié du dépeçage des terres de Sextus.
— Par les dieux ! Quelle infamie ! Et comment
le sais-tu ?
— Un esclave nommé Carus me l’a appris tout à l’heure.
Il habite chez Capito.
— Ce qui veut dire qu’ils étaient tous trois de mèche
dès le départ, Capito, Magnus et Chrysogonus.
— On dirait.
— C’était donc ça ! Et quiconque prenait la
défense de Sextus se heurtait à un mur. C’est encore pire que je ne pensais. Et
maintenant ils accusent Sextus du meurtre de son père ! Ils ont perdu la
tête. Ils vont trop loin. C’est absurde, d’une cruauté incroyable !
La lune était déjà blanche et grasse ; dans six jours
elle serait pleine et Sextus passerait en jugement. Je tournai mes yeux
fatigués vers la fenêtre de la villa de Capito. Pourquoi veillaient-ils ?
Magnus et Glaucia devaient être aussi harassés que moi. Que complotaient-ils
encore ?
— Quand bien même, dis-je (j’avalais mes mots en
bâillant), quand bien même, il manque un élément. Quelque chose qui empêche que
cette histoire ait un sens.
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