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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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de vider les lieux.
    — Et il s’est laissé faire si facilement que ça ?
    — Il n’y avait pas de témoins. Sauf les esclaves, bien
entendu. Tu sais comme les gens adorent broder. D’aucuns racontent que Magnus
est arrivé en pleine cérémonie funèbre, qu’il lui a arraché l’encensoir des
mains et l’a chassé du sanctuaire à la pointe du glaive. D’autres, qu’il l’a
dépouillé de ses habits et a lancé ses chiens à ses trousses sur la route.
Sextus ne me l’a jamais confirmé. Il refusait d’en parler, et je n’ai pas
insisté.
    « En tout cas, Sextus et sa famille ont passé la nuit
chez un marchand d’Ameria, tandis que Capito emménageait. Tu imagines les
commentaires. Finalement, Capito a mis à la disposition de Sextus une petite
maison qu’on utilise généralement pour les travailleurs saisonniers, durant la
moisson.
    — Et cela s’est arrêté là ?
    — Pas tout à fait. J’ai demandé que l’assemblée des
notables d’Ameria se réunisse. Il a fallu beaucoup d’énergie, je t’assure, pour
persuader ces vieilles barbes de faire quelque chose. Et ce, sous le regard
furibond de Capito. Nous avons pris la décision de protester contre la
proscription de Sextus Roscius, dans l’espoir de laver son honneur et de
rétablir son fils dans ses biens. Capito n’a fait aucune objection. Sylla avait
toujours son campement à Volterra ; nous avons envoyé dix hommes en
délégation pour plaider notre cause, moi-même, Capito et huit autres…
    — Et qu’a dit Sylla ?
    — Nous ne l’avons jamais vu. Pour commencer, on nous a
fait patienter pendant cinq jours, comme si nous étions des barbares en quête
de faveurs, et non des citoyens romains chargés d’une pétition. Mes
compatriotes grommelaient et s’impatientaient. Chacun serait rentré chez soi si
je n’avais pas insisté. Au bout du compte, on nous a permis de voir le
représentant de Sylla, un Égyptien appelé Chrysogonus. Tu en as entendu parler ?
demanda Titus en voyant ma réaction.
    — Oh oui ! Un jeune homme d’une grande beauté,
paraît-il, avec assez d’intelligence et d’ambition pour en tirer avantage. Il a
commencé comme esclave dans les jardins de Sylla. Mais notre dictateur a le
sens de l’esthétique et ne souhaite pas gâcher la marchandise. Chrysogonus est
devenu son favori. C’était à l’époque où sa première femme était encore en vie.
Le vieil homme a fini par se lasser du corps de l’esclave, et l’a récompensé
par la liberté, les honneurs et les richesses.
    — Je me disais bien qu’il y avait anguille sous roche.
On nous l’a simplement présenté comme un homme influent qui avait l’oreille de
Sylla. J’ai voulu voir le dictateur en personne, mais ses nombreux aides de
camp ont fait non de la tête, comme si j’étais un enfant, et nous ont conseillé
de gagner d’abord ce Chrysogonus à notre cause, lequel intercéderait pour nous.
    — Et l’a-t-il fait ?
    — Écoute plutôt : une audience nous est accordée,
et nous voilà introduits en rang d’oignons devant Sa Grandeur, qui condescend à
baisser son regard bleu vers nous. Puis à esquisser un sourire. Je jure que tu
n’as jamais vu un sourire pareil ; comme si Apollon lui-même était
descendu sur terre. Distant, mais sans froideur, un peu comme s’il avait pitié
de nous, pauvres mortels.
    « Il incline la tête, il regarde, il sourit, et nous
avons le sentiment qu’un être supérieur nous fait l’honneur de reconnaître
notre existence. Il écoute notre pétition, puis chacun y va de son couplet,
sauf Capito qui se tient en retrait, silencieux comme une tombe. A la suite de
quoi, Chrysogonus se lève, écarte une boucle dorée de son front et se met à
réfléchir. C’en est presque gênant, pour nous, hommes du commun, de partager la
pièce avec la perfection faite homme !
    « Il déclare que nous sommes de braves citoyens épris
de justice. Le cas que nous décrivons est rarissime, mais hélas, trois fois
hélas, il s’est trouvé une poignée d’hommes proscrits par erreur. À la première
occasion, il présentera notre requête au grand Sylla lui-même. En attendant,
nous devons faire preuve de patience. Le dictateur de la République a d’autres
soucis, dont le moindre n’est pas d’éradiquer les derniers vestiges de la
conspiration de Marius. Dix têtes opinent comme un seul homme, dont la mienne.
Je me souviens avoir pensé : que serait-ce devant Sylla, si son

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