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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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l’avais inventée
pour te désespérer. J’ai fini même par y croire moi-même.
    « Et ainsi tu m’as poussée dans les bras de
ton époux », songea la reine. Pourtant elle avait aimé sincèrement Orléans,
jusqu’à se lasser de leurs querelles, et surtout de son arrogante inconscience
qui avait été sa perte.
    — Et qu’est devenu ton si grand astrologue, Ambrogio
de Migli, qui savait si bien prédire le sexe de nos enfants. Que ne t’a-t-il
pas prédit l’assassinat de ton époux ? Je ne le vis qu’une fois, lorsqu’il
nous rendit l’hommage avec tes Lombards à leur arrivée en cour. Puis, il est
devenu invisible.
    — Invisible, comme tous les alchimistes.
    — Alchimiste ! s’exclama Isabelle.
    — Il vivait bien plus à la forteresse de
Vincennes qu’en ma cour, car il disait voir de près les étoiles du haut de son
formidable donjon.
    — Tu me parles de l’astrologue, mais qu’en
est-il de l’alchimiste, a-t-il trouvé la Pierre philosophale ?
    — Je ne sais, et ne le saurai jamais. Même
Louis n’en a rien su, lui qui aimait la science. Il s’était toqué un temps des
creusets et des alambics d’Ambrogio, dans un des soubassements du château de
Vincennes. Il s’en était bien caché de peur d’être traité de sorcier. Mon
astrologue est retourné depuis en Italie, pour dissimuler ses mystères. Non
cependant sans me prédire que je mourrais dans les jours de l’Avent. Nous y
sommes.
    — Oui, mais de quelle année ?
    — Il ne me l’a point dit, mais nous y sommes,
répéta Valentine.
    Isabelle eut un soupir d’exaspération, et la
Milanaise enchaîna :
    — J’ai appris que dame Pernelle avait disparu.
    — Certes, confirma la reine, qui pensait à sa
mort.
    — Elle serait, paraît-il, en Suisse. Elle y
attend son époux dans tout l’éclat de la jeunesse de ses vingt ans régénérés.
    — Que prétends-tu ? s’exclama Isabelle
en se retournant.
    — Je ne prétends rien, c’est ce qui se
raconte. Alors qu’elle était à toute extrémité, Flamel lui aurait donné à boire
l’Élixir de longue vie.
    L’Élixir parfait qui vous sauvait de la vieillesse
et de la mort. Isabelle considérait la duchesse d’Orléans avec une intense
stupéfaction :
    — Tu y crois ?
    — Je suis bien trop superstitieuse pour en
douter. Orléans lui-même, comme je te l’ai dit, y croyait, il a voulu arracher
le secret de Nicolas Flamel en lui passant toutes sortes de commandes. Mais le
vieux sage est resté aussi hermétique que sa science.
    Isabelle se mit à faire le tour de la vaste
chambre, insensible à la beauté des tapisseries qui ornaient les murs, et s’arrêta
devant la haute cheminée où pétillait un feu vif. Elle était en pleine
confusion, ce maudit écrivain public s’était-il joué d’elle ? Valentine
avait ravivé ses doutes, cette femme la ferait décidément toujours enrager.
    Celle-ci continuait ses discours d’une voix brisée,
passant du coq à l’âne, en verve de confidences.
    — C’est notre lot à nous autres, les femmes, d’être
trompées par les hommes. C’est la plus dure bataille que j’ai eu à livrer. J’ai
mené rude combat à ma jalousie qui m’a toujours dévoré le cœur. J’ai tant été
jalouse de toi qui étais souveraine. La place de seconde m’était intolérable. Mon
père m’a dit, le jour de mon départ de Lombardie : « Je ne te
reverrai, ma fille, que lorsque tu seras reine. » Je ne l’ai jamais revu. À
ce jour, combien je sais que tout cela est insignifiant lorsqu’on se prépare à
comparaître devant Dieu.
    La Milanaise faisait le bilan de sa vie et sa
logorrhée était odieuse à Isabelle. Elle lança un nouveau sujet de conversation :
    — On m’a parlé des fêtes somptueuses de cet
été, lors de l’adoubement de tes deux aînés.
    — Charles et Philippe ! J’en suis si
fière. Bernard d’Armagnac est leur parrain en chevalerie. C’est mon dernier bonheur
ici-bas.
    Elle y revenait. La reine en fut exaspérée, elle
se retourna et répondit vivement :
    — Ne déparle pas ! Une Visconti ne se
laisse pas mourir !
    Elle avait tort. Isabelle songeait à sa mère, Thadée
Visconti, couchée les bras en croix dans la cathédrale glacée de Munich, comme
le lui avait conté Jean la Grâce, et qui avait succombé à la fleur de l’âge à
cette pénitence outrancière. Les Visconti étaient des excessifs, Valentine se
laissait mourir de chagrin, son père s’était

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