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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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d’avoir épousé une princesse de France et une
reine d’Angleterre.
    — J’ai posé la même question à frère Agreste,
l’aumônier de madame ma mère. Il n’a point rougi et m’a répondu que la femme
était comme la lune, pleine, puis elle se vide. Suivant le flux de l’Univers
était le flux menstruel, lié au rythme de Dame Nature.
    — J’aurais aimé être une femme. Elles donnent
la vie, moi je ne sais que donner vie à mes poèmes.
    Isabelette en resta médusée. Jamais un homme ne
disait cela. Elle-même aurait voulu être un vaillant chevalier.
    — Ma mère m’a demandé de vous connaître, reprit-il,
car je dois être un homme. Je suis le chef de la famille d’Orléans à ce jour, et
la mission qui m’est dévolue est de venger mon père.
    Elle arracha sa protection et lui tendit les bras,
tandis qu’il se débarrassait de sa houppelande de chambre. Il était nu, son
sexe était inerte dans une légère toison blonde.
    — Je suis puceau, lui dit-il.
    — Je suis pucelle, répondit-elle en riant. Il
faudra bien nous en arranger.
    Il s’allongea sur elle avec précaution. Elle
songea au roi Plantagenêt qui l’asseyait souvent sur ses genoux et la câlinait,
en lui parlant du jour où elle serait sa femme charnelle. Ce jour et ce
puissant corps la terrorisaient, elle était si petite enfant. Mais jamais il ne
lui avait fait de mal. Ce moment était arrivé, elle n’avait point peur avec ce
nouvel époux. Ils se donnèrent le premier baiser d’amour, mêlant leurs langues,
écrasant leurs lèvres. Elle en ressentit du plaisir, et lui aussi sans aucun
doute, car sa jeune virilité se dressa.
    Maladroitement, il pénétra en elle.
    — Comme c’est doux, ma mie, soupira-t-il.
    Elle savait que l’Église interdisait tous rapports
quand la femme avait ses fleurs. Charles n’en avait cure. Il l’aimait.
    Quand il la perça à petits coups hésitants, elle
poussa un cri de surprise, puis le sang de ses menstrues se mêla à celui de son
hymen. Elle enveloppa le corps encore fluet de son époux entre ses bras et ses
jambes. Elle sut qu’elle l’aimerait aussi. Elle l’aimait déjà.
    *
    La duchesse d’Orléans se rendit à Paris avec une
suite nombreuse et en appareil de grand deuil. Accompagnée de ses deux fils
aînés, elle se jeta à genoux devant le trône où se tenait le roi en pleurs.
    — C’est la veuve de votre frère unique
réduite au désespoir, qui vous fut toujours fidèle et dévoué, et deux orphelins
qui vous supplient. Déplorez avec moi le sort cruel qui nous a ravi mon époux, mais
que la douleur ne vous fasse point oublier la vengeance. Il vous faut
rechercher les auteurs de cet infâme attentat. Daignez user de votre puissance
pour faire justice, et ordonnez que les coupables subissent le châtiment que
mérite leur crime.
    Le roi vint la relever en l’embrassant, et ils se
désolèrent dans les bras l’un de l’autre. Après d’amères larmes versées
ensemble, Charles VI renvoya la veuve et les orphelins à leur hôtel des
Tournelles en jurant que justice serait faite.
     
    Le corps de Louis d’Orléans, tout sanglant et
transpercé de coups, fut exposé d’abord à l’église des Blancs-Manteaux toute
proche de Barbette. Il fallut, et ce fut pitié, retrouver le poing tranché et
récolter, morceaux par morceaux, la cervelle épandue dans la boue afin qu’il
fût enterré entier. Ensuite, il fut transporté en l’église des Célestins qu’il
avait fait ériger et dont il avait fait la nécropole de sa famille.
    Le 27 novembre, une foule immense suivit le
convoi funéraire. Les ducs d’Anjou, de Berry, de Bourgogne et le roi
de Navarre tenaient les coins du drap mortuaire. Tous pleuraient le crime
commis sur un si bon et si beau prince. Cette mort brutale effaçait d’un coup
tous les griefs qu’on lui imputait de son vivant. La reine, en dépit de ses
relevailles, suivit en litière la cérémonie, en pleurs et toute de deuil vêtue.
    Jean de Bourgogne se recueillit un instant
seul devant le cercueil et dit : « Oncques ne perpétra-t-on en ce
royaume si traître meurtre. » Du catafalque se mit à sourdre du sang
jusque sur les dalles de l’église. Ne disait-on pas qu’un corps saignait face à
son criminel, murmurait-on.
    Le prévôt diligenta son enquête sur le suspect naturel,
le sire de Canny, dont l’épouse, Mariette d’Enghien, avait été séduite et
engrossée par le duc d’Orléans. Il semblait juste qu’il

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